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“Travailler sur un sujet qui nous passionne rend les défis plus supportables et le chemin vers le succès plus agréable” : les conseils de Matteo Amerio, cofondateur de Navee.

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Matteo Amerio, le cofondateur de Navee, se confie sur l’entrepreneuriat.

Crédit image : Navee

La startup Navee lutte contre la contrefaçon en ligne grâce à un outil d’IA et de vision par ordinateur. Matteo Amerio, son cofondateur, raconte pour Pôle Sociétés les étapes qui l’ont mené vers le succès et livre ses conseils concrets pour entreprendre.

Fondée en 2019 par Matteo Amerio et Mathieu Davet, Navee s'est rapidement imposée comme une référence dans la lutte contre la contrefaçon en ligne grâce à sa technologie basée sur l'intelligence artificielle. À ce jour, l’outil a permis d’analyser plus de 50 millions d'images contrefaites, générant plus de 500 millions de dollars d’économies pour une centaine de grandes marques et plateformes internationales.

L'entreprise se distingue par sa capacité à perfectionner continuellement ses algorithmes d'IA, ce qui facilite la détection rapide et précise des produits contrefaits pour une élimination efficace. L'engagement de Navee envers l'innovation se manifeste également par d'importants investissements en recherche et développement, assurant sa position de leader technologique.

Matteo Amerio, l’un des deux cofondateurs, raconte la genèse de Navee, de la difficulté d’entreprendre aux étapes indispensables pour réussir à construire une startup viable.

Matteo, pouvez-vous nous parler de vos débuts et de votre parcours avant Navee ?

Je suis né et j’ai grandi à Turin, en Italie, où j'ai été bercé par l'esprit entrepreneurial familial dès le plus jeune âge : mes grands-parents et arrières grands-parents travaillaient dans le textile, ils étaient déjà entrepreneurs. J’ai ensuite fait mes études à l'ESCP, entre Turin, Madrid, et Paris, où j'ai commencé à explorer le monde de l'entrepreneuriat et du conseil à travers mes stages, notamment dans l’incubateur H Farm près de Venise et chez Bain & Company à Milan.

À l’ESCP, j’ai suivi deux spécialisations, une en finance de marché et l’autre en entrepreneuriat, qui comprenait un séjour à Stanford pour découvrir l'écosystème californien des startups. Après ça, je n’avais qu’une idée en tête, y retourner. Je suis donc allé faire mon stage de fin d’études dans une jeune pousse française, Reminder, qui venait d’être acceptée dans l’incubateur de Stanford. Ils m’ont proposé de rester mais j’ai décidé de partir avec mon futur associé, que j’ai rencontré là-bas.

Nous voulions créer quelque chose ensemble et nous étions tiraillés entre Paris et la Californie pour le lancement de notre entreprise, mais les défis liés aux visas d'entrepreneurs et à la nécessité d’une levée de fonds immédiate sur place nous ont poussés à privilégier la construction d'un produit viable avant toute chose, et finalement à ne pas lever de fonds

Parlons de Navee. Comment est née l'idée de cette startup ?

L'idée est née d’un problème rencontré aux États-Unis : l’ampleur de la fraude en ligne, en particulier dans les annonces immobilières fictives. En cherchant un logement, nous avons été frappés par le nombre de fausses offres. Cela nous semblait inconcevable, surtout en Californie, berceau de l'innovation mondiale. Nous avons étendu notre analyse et observé que ce problème ne se limitait pas au secteur immobilier : produits contrefaits, faux profils sur les réseaux sociaux et applications de rencontres, ainsi que la propagation de fausses informations. Ni les plateformes en ligne – qu'il s'agisse de réseaux sociaux, de marketplaces, de sites de rencontres ou de location – ni les marques n'avaient une vision claire de l'ampleur de la contrefaçon sur leurs espaces. Ils ignoraient où et comment leurs contenus étaient utilisés ou distribués.

On a donc imaginé et construit une technologie capable de traquer la contrefaçon en ligne de façon beaucoup plus efficace. Notre outil, qui intègre l’intelligence artificielle et la vision par ordinateur, peut identifier les contenus contrefaits pertinents en fouillant le web grâce à des mini-robots intelligents.

Quelle est la vision derrière Navee ?

Avant même de nous intéresser à la contrefaçon, notre volonté était de créer une startup à impact. Sans aller jusqu’à la philanthropie, notre entreprise devait faire du bien à la planète et aux hommes. Navee est le fruit d'une volonté de lutter contre le fléau mondial qu’est la contrefaçon : elle représenterait le sixième plus grand émetteur de CO2 au monde si elle était un pays. Nous souhaitions donc mettre nos compétences au service d'une cause majeure et réduire l'impact environnemental et social désastreux de cette industrie. Notre mission est de construire un monde sans contrefaçon, en collaboration avec les plus grandes marques et plateformes mondiales.

Vous disiez ne pas vouloir lever de fonds. Quelle stratégie de développement avez-vous adoptée ?

Je préférais d’abord me casser un peu les os en essayant de construire quelque chose qui marchait. On dit souvent que la caractéristique première d’un entrepreneur, c’est de ne rien lâcher. Et en effet, la persévérance est une qualité très importante : on prend tellement de claques. Appeler 40 personnes pour présenter son produit, sans preuve qu’il fonctionne, pour qu’ils te disent tous non, c’est dur. Il faut pousser jusqu’à obtenir les premiers résultats, et tout cela sans gagner d’argent.

Évidemment, c’est plus facile de lever des fonds dès le départ. Mais si on l’avait fait, ça aurait été comme mettre du carburant d’avion de chasse sur un vélo : nos idées n’étaient pas encore assez abouties. On a donc choisi de gagner notre propre argent et ça a été extrêmement constructif.

Constructif, mais difficile. Comment fait-on pour s’accrocher à son idée ?

Mon ambition personnelle, c’était d’avoir un impact. En luttant contre la contrefaçon en ligne, je me voyais comme le chevalier blanc qui porte son innovation et qui va sauver le monde. Mais la réalité, c’est que j’avais à peine de quoi vivre une fois mon loyer payé, que j’habitais un appartement sans lumière dans lequel je passais tout mon temps, y compris mes week-ends. J’avais dit non à un salaire astronomique aux États-Unis, je voyais tous mes amis en train d’avancer dans leur carrière… Le plus difficile a sans doute été la solitude dans l’exercice. Au départ, tu travailles comme un fou sans avoir de résultats, et dans un milieu où tout le monde vit la même chose mais a pour credo “Fake it until you make it”.

Il faut s’accrocher à sa vision et y croire, mais mon conseil pragmatique est de vite trouver l’équipe capable de résoudre tes problèmes. Car il y aura toujours une boîte qui fait la même chose que toi, qui aura levé 10 millions d’euros et le fera 10 fois mieux grâce à ses équipes gigantesques. Donc il faut comprendre quelle partie de ta technologie est bien faite, ce qui la rend unique sur le marché et qui va gagner la confiance des clients.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune entrepreneur ?

Faire quelque chose qui nous passionne, ne pas se lancer dans une tendance de marché qui ne nous plaît pas : il faut aimer son sujet pour pouvoir y investir autant de temps car c’est presque impossible d’être compétitif si on est lassé et qu’on s’ennuie. Par définition, on s’investira moins qu’un concurrent passionné.

Mon second conseil concerne la patience. Tout le monde s’impatiente du résultat et pas du processus : les gens ne veulent pas des potentielles nombreuses années à travailler comme un fou, et pourtant pour réussir il faut aimer cette étape où on gravit les échelons, où on produit quelque chose qui a du sens. Quand on a cette force, cet amour de son sujet ou de son produit, cela rend les défis plus supportables et le chemin vers le succès plus agréable.

Je crois également profondément que pour construire une startup qui fonctionne, il faut développer une approche scientifique, c’est-à-dire toujours essayer de décomposer un problème, à l’image du “First principle thinking”, popularisé par Elon Musk. Si par exemple on veut construire une fusée, on ne va pas regarder comment on fait chez Ariane, mais plutôt regarder combien coûte une tonne d’acier pour commencer. Il faut décomposer par petites parties, et c’est ainsi qu’on fonctionne en interne chez Navee : définir la meilleure approche en analysant par strates et hypothèses.

Quelles sont vos sources d'inspiration et comment restez-vous motivé ?

Mon moteur quotidien est l'impact de notre travail. Travailler avec une équipe brillante et sur ma technologie est aussi une de mes principales sources de motivation : j’aime en être le mécanicien. Je trouve aussi de l'inspiration dans la lecture, notamment dans les biographies d'entrepreneurs renommés et les ouvrages sur l'entrepreneuriat, comme De zéro à un de Pieter Thiel ou Un rien peut tout changer de James Clear, qui offrent des perspectives précieuses sur la persévérance et l'innovation.

NAVEE

Programmation informatique

Sommaire

  • Matteo, pouvez-vous nous parler de vos débuts et de votre parcours avant Navee ?
  • Parlons de Navee. Comment est née l'idée de cette startup ?
  • Quelle est la vision derrière Navee ?
  • Vous disiez ne pas vouloir lever de fonds. Quelle stratégie de développement avez-vous adoptée ?
  • Constructif, mais difficile. Comment fait-on pour s’accrocher à son idée ?
  • Quels conseils donneriez-vous à un jeune entrepreneur ?
  • Quelles sont vos sources d'inspiration et comment restez-vous motivé ?