À l’ère de la fast fashion, Loom fait partie de ces marques qui tentent d’imposer un modèle de production lent, plus responsable, qui met l’accent sur la qualité plutôt que sur le rendement. Zoom sur cette enseigne française de prêt-à-porter durable fondée par Julia Faure et Guillaume Declair.
Les chiffres alarmants de la fast-fashion
En France, selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), chaque habitant achète 95 kilos de textiles et de chaussures par an. La production mondiale de vêtements a doublé en 15 ans tandis que la durée de vie des produits achetés a été diminuée d’un tiers. Résultat, d’après la Commission européenne, les Européens jettent en moyenne 11 kilos de matières textiles chaque année. Dans 80 % des cas, les vêtements et les chaussures ne sont pas recyclés et finissent par être enfouis ou incinérés.
Autre chiffre alarmant : l’industrie textile génère des émissions équivalentes à 4 milliards de tonnes de CO2 par an, soit “plus que l’impact des vols internationaux et le trafic maritime réunis”, relève l’Ademe. Pour des raisons environnementales et éthiques, il est urgent de développer une mode plus durable. Plusieurs marques françaises ont vu le jour en ce sens, à l’image de Loom, fondée en 2016 par Julia Faure et Guillaume Declair.
Loom, la marque qui invite à faire preuve de sobriété
“Achetons moins. Produisons mieux” : tel est le slogan de cette marque pour hommes et femmes, qui propose ses articles en ligne et dans sa boutique située dans le quartier du Marais, à Paris. L’idée principale consiste à ne pas pousser à la consommation. Pour être écoresponsable, l’enseigne ne se contente pas d’utiliser du coton bio et des emballages en kraft. Elle se passe entièrement de publicité et ne propose jamais de soldes ni de promotions, incitant le consommateur à acheter plus. De plus, plutôt que de changer régulièrement de collection, elle préfère parler de “générations” : la gamme de vêtements est toujours la même, mais améliorée en continu. Autre point : Loom n’utilise aucun “dark pattern” qui poussent le consommateur à acheter : jouer sur la rareté avec des ventes flash et des collaborations éphémères, proposer des produits à 39,99 euros au lieu de 40 euros… Le concept a été pensé pour que le client achète uniquement s’il en a besoin.
Des vêtements de qualité conçus pour durer
En parallèle, la marque met tout en œuvre pour que les vêtements qu’elle propose durent le plus longtemps possible. Avant toute conception, elle identifie les points de fragilité qui font que les consommateurs finissent par jeter un article : rétrécissement, décoloration, boulochage, déformation… Elle travaille à résoudre ces points faibles et effectue plusieurs tests de résistance dans des laboratoires indépendants. Malgré tout, ses vêtements ne sont évidemment pas éternels, puisqu’ils sont fabriqués uniquement en matières naturelles qui s’usent au fil du temps. Loom donne donc des conseils d’entretien sur son site internet. La fabrication se fait ensuite dans des usines françaises et européennes triées sur le volet et visitées dès que possible par les dirigeants.
Agir contre la fast-fashion à la source
Loom est donc une marque qui implore les consommateurs à faire preuve de sobriété en achetant le moins possible. Car pour ses fondateurs, il est nécessaire de “fermer le robinet de la fast fashion, qui inonde le marché”. “On recycle, on fait de la seconde main… on traite des symptômes, mais on n’agit pas sur les choses les plus logiques”, déplorait Julia Faure, cofondatrice de Loom, dans une interview au Monde. Âgée de 35 ans, cette entrepreneuse ne se contente pas de faire vivre sa marque durable et de la faire grandir. Certes, Loom rassemble désormais huit salariés et affichait un chiffre d’affaires de plus de 3 millions d’euros en 2023. Mais ici, l’éthique passe avant les chiffres. “Les entreprises n’ont pas forcément besoin de croissance pour vivre”, affirmait récemment la dirigeante auprès de Reporterre. “(…) Notre objectif avec mon associé n’est pas de nous enrichir. Une fois que Loom aura atteint sa taille optimale, le seul objectif sera de rester rentable”.
Une entrepreneuse militante
Julia Faure a fait de la lutte contre la fast-fashion son combat quotidien. Revendiquant un activisme économique, elle est devenue la coprésidente du Mouvement impact France, une association de représentation des acteurs de l’économie sociale et solidaire et des entreprises engagées en France. Elle fait aussi partie du collectif En mode climat, qui réunit 600 acteurs du textile durable. Ses actions ont contribué à l'adoption, le 14 mars 2024 par l’Assemblée nationale, d’une proposition de loi visant à freiner la mode éphémère grâce à un système de bonus-malus. Une avancée importante pour cette entrepreneuse, qui tient à rappeler que la fast-fashion n’est pas seulement nocive pour la planète. “Le low-cost est toujours égal à de la délocalisation et cela crée du chômage en France. Depuis les années 1990, on a perdu 30 000 emplois dans le secteur textile. Et avec ces pertes d’emplois, plein de choses ferment : le teinturier, les couturiers etc. Si l’usine du village ferme, c’est le boulanger qui ferme puis le petit commerçant, et c’est du chômage en cascade”, soulignait-elle dans un entretien à Forbes.