Fondée en janvier 2023 par Maxime Delacourt, ingénieur spécialisé dans les énergies renouvelables, la startup Moulins Demain accompagne les propriétaires de moulins à eau dans la réhabilitation de ce patrimoine oublié en petites centrales hydroélectriques. Coup de cœur pour cette idée ingénieuse, qui mise sur l’existant pour créer de l’électricité renouvelable et locale.
Maxime Delacourt est originaire du Lot, où son grand-oncle est guide dans un petit moulin du XIVe siècle. “Il m’a transmis cette fascination pour les moulins à eau et la création de valeur à partir de l’énergie hydraulique”, raconte le fondateur de Moulins Demain pour Pole Sociétés. “Quand j’étais petit, je dessinais déjà des schémas sur des calepins pour imaginer l’énergie du futur”, se souvient-il avec un sourire.
Après avoir grandi à Toulouse, Maxime part suivre ses études à Grenoble, dans une école d’ingénieurs spécialisée dans les énergies renouvelables. Son parcours va l’amener à travailler dans des domaines variés : hydroélectricité, éolien, solaire, mais aussi conseil en décarbonation chez Deloitte ou encore à l’ADEME. Pourtant, au bout d’un moment, il ressent une lassitude face à la lenteur des changements dans les grands groupes. “J’avais envie de construire le monde de demain, pas seulement d’essayer de réparer celui d’aujourd’hui.”
Faire revivre les moulins, un trésor énergétique sous-estimé
C’est là que le déclic se produit. Dans un moment de réflexion, Maxime Delacourt se souvient des moulins de son enfance : “Le moulin, c’est le patrimoine industriel du Moyen Âge. Pendant des siècles, ils étaient au cœur de l’activité économique locale. On y transformait le blé, le cuir, le fer. Aujourd’hui, ces bâtiments sont toujours là, mais ils ne servent plus.”
On dénombre près de 80 000 moulins en France, dont 36 000 pourraient produire de l’électricité, selon la Fédération Française des Associations de sauvegarde des Moulins (FFAM). Une ressource sous-estimée pourtant capable de répondre à un enjeu majeur : la production d’énergie renouvelable, locale et décentralisée. “À une époque où l’on cherche des solutions renouvelables et locales, pourquoi ne pas réactiver ces infrastructures historiques ? C’est de l’énergie qui est là, sous nos yeux, depuis des siècles”, constate Maxime Delacourt.
Un accompagnement sur mesure pour des projets complexes
Mais restaurer un moulin pour en faire une source d’hydroélectricité n'est pas une mince affaire. “Ce n’est pas comme poser des panneaux solaires sur une toiture. Chaque moulin est unique, avec ses spécificités techniques et administratives”, précise Maxime. Moulins Demain propose donc un accompagnement complet des porteurs de projets.
L’entreprise commence par une étude de faisabilité, en se rendant directement sur le site. ”On réalise un inventaire complet des ouvrages, on mesure la hauteur de chute d’eau, on étudie le débit disponible. Ensuite, on repart au bureau et on design un projet sur mesure : quelle solution technologique installer, combien cela va coûter, et en combien de temps l’investissement peut être rentabilisé”, détaille le fondateur.
La deuxième étape concerne l'accompagnement administratif. “Produire de l’hydroélectricité, c’est toucher à un bien commun : l’eau. Il y a des obligations réglementaires pour respecter la biodiversité, les sédiments, les poissons migrateurs… Les propriétaires de moulins n’y connaissent généralement rien, et c’est normal. On les aide donc à déposer les dossiers nécessaires pour obtenir l’arrêté préfectoral qui leur permettra d’exploiter l’énergie hydraulique.” Pour l’anecdote, les moulins construits avant la Révolution française bénéficient d’un droit d’eau inaliénable, c'est-à-dire d'une autorisation historique d'exploiter la force de l'eau. Ce droit peut, sauf cas particuliers, être réactivé aujourd’hui.
Enfin, vient la question financière. Moulins Demain aide les porteurs de projets à identifier les aides disponibles à l’échelle régionale ou locale, et à calculer la rentabilité du projet. “On estime qu’en moyenne, un moulin réhabilité peut alimenter environ 25 foyers en électricité. Et grâce au tarif de rachat de l’hydroélectricité par EDF, garanti sur 20 ans, la rentabilité des projets peut facilement être modélisée économiquement.”
Un modèle pensé pour les particuliers… et les collectivités
Si Moulins Demain accompagne principalement des propriétaires privés, l’entreprise s’adresse de plus en plus aux collectivités locales. “Certaines communautés de communes ou départements veulent identifier les moulins sur leur territoire pour les réhabiliter”, explique Maxime Delacourt. Pour répondre à cette demande, l’entreprise a développé un outil de cartographie des moulins, permettant de détecter les sites exploitables et de les prioriser en fonction de leur potentiel. “Nous avons récemment accompagné une communauté de communes dans les Pyrénées. Sur les 30 moulins identifiés, ils pourraient alimenter près de 1 000 personnes en électricité. Ce n’est pas rien !”
En à peine deux ans d’existence, Moulins Demain a déjà accompagné une soixantaine de projets, et les demandes ne cessent d'affluer. Aujourd’hui, l’entreprise compte cinq collaborateurs, mais Maxime prévoit d’étoffer son équipe : “Nous serons six en 2025, avec l’objectif d’accélérer le rythme des projets.”
L’entreprise n’a pas encore levé de fonds, mais l’idée pourrait faire son chemin. “Pour l’instant, nous sommes rentables. Mais à terme, j’explore l’idée de proposer un modèle alternatif où Moulins Demain pourrait directement investir dans les projets à fort potentiel et louer l’installation aux propriétaires. Cela permettrait de toucher un public plus large, notamment ceux qui n’ont pas les moyens de réhabiliter leurs moulins, et donc de maximiser notre impact.”
Les défis climatiques et l’avenir de l’hydroélectricité
Dans un contexte de réchauffement climatique, la disponibilité de la ressource en eau soulève toutefois des interrogations. Maxime Delacourt en est conscient. “Le changement climatique bouleverse les cycles de l’eau. On aura des périodes d'étiage beaucoup plus longues en été, mais aussi plus d’eau l’hiver et des phénomènes extrêmes.”
Pour anticiper ces évolutions, Moulins Demain intègre dans ses études des modélisations basées sur les projections de Météo France. ”On regarde à la fois les tendances passées et les scénarios futurs pour s’assurer que le projet reste viable à long terme.”
Le jeune fondateur ne cache pas sa volonté d’avoir un impact rapide. “Mon objectif, c’est que les moulins de France soient transformés en sources d’énergie renouvelable d’ici 2040. Si je peux arrêter Moulins Demain à ce moment-là parce qu’on aura fait le job, ce sera parfait.”
Pour lui, chaque moulin réhabilité raconte une histoire : “Ce n’est pas juste de l’énergie, c’est aussi une manière de valoriser un patrimoine historique et de lui redonner vie. C’est un projet à la fois écologique, économique, et culturel. Et c’est ça qui le rend si passionnant. » Une belle manière de prouver que certaines solutions coulent parfois juste sous nos pieds. Rappelons également que l’énergie hydroélectrique est la première source d’électricité renouvelable en France (53 % de la production renouvelable et environ 12 % de la production totale d’électricité).
