Romain Monget fonde Wobee en 2022 avec son associé Geoffrey Chapuis dans l’idée de révolutionner l'expérience salariée au sein des PME et ETI. Dans cette interview exclusive, le cofondateur partage une vision centrée sur l’humain, “le bien le plus précieux d’une entreprise”.
Après un onboarding raté au sein d’un grand groupe et une première expérience entrepreneuriale, Romain Monget imagine avec Wobee une plateforme RH permettant de piloter les moments clés des équipes, de l’onboarding à l’offboarding. Proposée sous forme d'abonnement, la plateforme automatise les processus, centralise les ressources et crée des parcours adaptés pour chaque situation (CDI, alternance, onboarding, offboarding, crossboarding, préboarding).
Wobee va au-delà d'un simple logiciel de gestion RH en facilitant le rôle des fonctions support et en rendant le quotidien des salariés plus agréable. Aujourd’hui, 65 % des entreprises n’ont pas de processus d’intégration structuré, ce qui entraîne des conséquences négatives sur la rétention des talents, confie le cofondateur. Pour Pôle Sociétés, il revient sur son parcours, ses motivations personnelles et sa quête des Ressources Humaines idéales.
Quel a été votre parcours avant de fonder Wobee ?
Wobee a été créée en octobre 2022, mais j'ai eu différentes expériences auparavant, dont un passage dans un très grand groupe qui ne s’est pas très bien passé et qui m'a donné envie d’entreprendre. J'ai donc lancé une première société avec des associés qui s'appelait à l'époque Desport Conseil et qui a évolué sous le nom commercial de Formi. Avant Wobee, Formi avait déjà un rapport avec les thématiques RH : prôner des activités de sport et de bien-être en entreprise pour développer la qualité de vie au travail. Quand ça a été créé en 2016-2017, les acteurs sur ce marché n’étaient pas encore très nombreux. Nous avons réussi à amener cette startup au million de chiffres d'affaires sans lever de fonds, en boostrap. Cette première aventure entrepreneuriale s'est plutôt bien passée jusqu'à cette époque charnière du Covid.
À la réouverture des bureaux, le redémarrage a été poussif : un profond changement dans la façon de travailler s’était produit. J’ai alors fait deux constats : vers 2019, 2020, la concurrence était devenue très forte, et les thématiques de bien-être au travail s’étaient standardisées. Certains chefs d'entreprise me disaient, “Je leur prends un cours de yoga, comme ça ils ne m’embêteront pas”. Ils s’achetaient ainsi une paix sociale, et c'était exactement ce que je ne voulais pas apporter comme valeur.
Wobee est née de cette problématique et de désalignement avec vos valeurs ?
Pendant le Covid, j'ai eu du temps pour interroger et échanger avec mes clients, patrons de belles PME ou ETI, sur leurs autres enjeux RH, et la thématique qui m'a toujours passionné, l'engagement collaborateur. Deux sujets sont ressortis : l'expérience candidat, tout d’abord, comment recruter bien et vite ; et l'expérience salariée, c'est-à-dire comment on fidélise et on engage réellement le collaborateur.
Les entreprises investissent énormément sur l'expérience candidat et leur marque employeur, à travers les avantages salariés, etc. mais la réalité est souvent déceptive. Elles ne travaillent pas le véritable sujet, qui est la culture de la boîte, l’alignement des collaborateurs sur une vision commune. Cela crée souvent un fort désengagement et donc beaucoup de turnover.
En partant de ce constat, renforcé par mon expérience ratée d’onboarding dans une grande entreprise, j’ai voulu miser sur le phénomène d'intégration, mais aussi de suivi des moments-clés de la vie d’un collaborateur : un départ et un retour de congé maternité, une rupture conventionnelle, etc. Mon cheval de Troie est aujourd’hui l'onboarding, comment aider l'entreprise à créer une super expérience dès l'intégration jusqu'au départ d'un collaborateur pour le fidéliser.
Wobee est donc spécialisée dans l’onboarding des salariés. Comment cela fonctionne concrètement ?
Wobee est une plateforme SaaS de gestion des moments de vie clés des collaborateurs. Notre solution digitale permet déjà d’éliminer les tâches à peu de valeur ajoutée, tout ce qui est chronophage, administratif, support, etc. L’idée est de proposer une expérience plus humaine à travers une bonne diffusion des informations liées à la vie de la boîte. On insiste par exemple beaucoup sur la phase de préboarding, avant même l'arrivée d’un collaborateur, pour comprendre la culture de la boîte, avec une petite vidéo du fondateur. Toute l'entreprise est mise au courant d’une nouvelle arrivée afin d’éviter des impairs fréquents, c'est-à-dire que personne n'est au courant qu'un nouveau collaborateur arrive un lundi matin, pas de petit-déjeuner ni de poste de travail prêt… Wobee accompagne les entreprises pour créer les meilleurs process adaptés à leur culture et c’est là qu’on se différencie dans le secteur des SIRH.
Et avez-vous des chiffres qui prouvent l’efficacité de votre plateforme ?
Oui, absolument. Nous disposons de plusieurs indicateurs. Par exemple, nous permettons à nos clients de gagner 50% de temps sur le processus d’onboarding. En moyenne, ce processus prend entre 13 et 15 heures, depuis le recrutement jusqu’à six mois après l’arrivée du collaborateur.
Un de nos clients a constaté une nette amélioration en matière de rétention des employés : l'année précédente, il avait enregistré quatre ruptures de période d'essai à l’initiative des collaborateurs, contre une seule cette année. Nous fidélisons les collaborateurs en assurant un onboarding efficace : 65% des entreprises n’ont pas de processus d’intégration structuré, ce qui entraîne des conséquences négatives sur la rétention des talents. Un salarié bien intégré est 20 à 30% plus productif car il peut se concentrer sur ses missions opérationnelles sans se soucier des détails pratiques de son arrivée. Par exemple, il ne se demande pas à qui parler ou comment s’habiller.
Nous gérons également les offboardings de manière structurée. Les statistiques montrent qu’un départ bien mené favorise le retour des salariés boomerang, ceux qui reviennent après une expérience ailleurs. Ces salariés, mieux informés et plus engagés, sont généralement plus productifs et performants. Enfin, nous nous occupons aussi des processus de congés maternité pour favoriser un environnement de travail plus inclusif et serein.
Les ressources humaines vous ont-elles toujours passionné ?
Je pense qu'il y a des ressources énormes chez les humains et qu'on peut faire des choses extraordinaires si on s'en donne les moyens et si on est aligné avec ce qu'on veut et ce qu'on est. Le capital humain est le bien le plus précieux d'une entreprise. Je trouve ça incroyable que les fonctions RH soient encore trop souvent les parents pauvres dans les budgets des entreprises, alors qu’une entreprise performe grâce à ses talents. Et pour avoir les meilleurs talents chez soi, il faut capitaliser sur cette dimension humaine.
C'est un sujet passionnant de voir quels leviers on peut actionner pour les engager, d'autant plus qu' on assiste aujourd’hui à une révolution avec la nouvelle génération qui arrive sur le marché du travail. Ils ont besoin d'entreprises engagées, avec une responsabilité sociétale, environnementale. Notre but est d'évangéliser cette idée que le capital humain est le bien le plus précieux.
Quelle culture d'entreprise avez-vous mise en place dans votre startup ?
Nous sommes aujourd’hui 12 chez Wobee. Nous avons commencé par co-créer ensemble les valeurs de l'entreprise. Quand je parle de co-créer, cela signifie que le dirigeant ne dicte pas les valeurs : on a organisé des ateliers, sous forme de séminaire ou de workshops, pour réfléchir à ce qui était important pour nous, nos leviers d'envie, comment on s'aligne. Il en est ressorti beaucoup de diversité, de points de vue différents, de cultures différentes. Mais on s'aligne tous sur une vision commune, sur ce qu'on veut créer et sur l’envie d'apporter le maximum de valeurs à nos clients.
Cette culture d’entreprise est retravaillée tous les six mois, au minimum. On développe nos valeurs, on les améliore, on les ajuste pour rester agiles. J'envoie des feedbacks réguliers pour prendre le mood dans l'entreprise, je regarde les indicateurs de motivation et d'engagement et j’investis dans des moments informels mais réguliers entre nous. Quand on est 12, on a la chance de pouvoir beaucoup communiquer et d'être dans la transparence. On est très au courant des enjeux, des victoires comme des échecs, parce qu'évidemment, il y en a aussi. Nous avons cette culture de la célébration mais aussi de la communication des difficultés.
Qu'est-ce que vous aimez plus dans l'entrepreneuriat ?
L'entrepreneuriat, c'est surtout une passion. J'aime beaucoup l'idée de performance, mais d’une performance bienveillante. Ce qui m'anime tous les matins, c'est que j'apporte de la valeur à mes clients et j'embarque aussi une équipe dans une aventure. Je suis également quelqu'un qui a besoin de sa liberté, et l'entrepreneuriat en est une forme. Ce n’est pas l'eldorado mais on est dans ses propres choix.
Quelles ont été vos plus grandes réussites et difficultés dans cette aventure ?
Ma plus grande réussite, c'est Wobee. S'engager dans cette aventure avec mon associé, entouré de collaborateurs incroyables qui se dévouent entièrement et adhèrent à une vision commune, est extrêmement gratifiant.
En termes de difficultés, il y a les deals cruciaux qui, après des mois de négociations et des accords de principe, échouent sans raison apparente. Cette situation est particulièrement frustrante, surtout lorsqu'elle impacte nos équipes. Si les frustrations personnelles peuvent être gérées, celles vécues collectivement mettent à l'épreuve notre résilience. Dans ces moments, il est essentiel de communiquer et de prendre la responsabilité en tant que leader. C’est difficile de voir la déception dans les yeux de son équipe.
À ce moment-là, comment fait-on pour les remotiver et les consoler ?
Je pense qu'il y a deux aspects. D'abord, il faut communiquer. Pourquoi avons-nous échoué ? Il est crucial de se remettre en question et de reconnaître nos erreurs. Il ne s'agit pas de blâmer uniquement les autres ou nous-mêmes à 100%. Il faut analyser nos échecs pour éviter de reproduire les mêmes erreurs à l'avenir. Comme on dit souvent, on peut se tromper une fois, voire deux, mais trois fois, cela devient problématique.
Pour les remotiver, il faut les réaligner avec la culture et la vision de l'entreprise. Où voulons-nous aller ? Qu'est-ce que nous voulons créer ? Nous avons encore du temps et de l'énergie. En tant que CEO, on est garant de l’énergie d'une boîte. Il est de ma responsabilité de maintenir une énergie constante au sein de l'entreprise pour atteindre nos ambitions. Il s'agit de rappeler à tous notre objectif commun et de réaffirmer notre engagement envers cette vision.
Où voyez-vous Wobee dans 5 à 10 ans ?
Dans 5 ans, nous voulons avoir le meilleur outil du marché, une plateforme RH dédiée à l'expérience salariée pour les PME et ETI. Nous ne visons pas les grands groupes, car la majorité des logiciels RH actuels sont de plus en plus destinés à ces grandes entreprises et semblent inaccessibles aux PME. Pourtant, les PME ont aussi besoin d'investir dans ces outils, surtout celles qui ne sont pas à l'aise avec la digitalisation.
Il y a un enjeu énorme à moderniser les processus RH de ces PME. Pour attirer de jeunes talents, ces entreprises doivent se digitaliser. Notre objectif est de démocratiser une plateforme RH qui aide à piloter les stratégies RH quotidiennes. Nous voulons que notre plateforme soit plus qu'un simple outil de gestion des ressources humaines, mais un véritable outil de gestion des richesses humaines.
Pour finir, pouvez-vous parler de vos inspirations personnelles ? Avez-vous un modèle, un livre, ou quelque chose qui vous nourrit au quotidien ?
J'ai toujours été passionné par le sport, notamment les sports de montagne. J'adore la randonnée, les ascensions, les défis comme le Mont Blanc. J'ai retrouvé dans l'entrepreneuriat une similitude avec la résilience nécessaire dans le sport.
Sur le plan intellectuel, j'aime dire que nous avons des "géants" dans la vie que nous lisons ou écoutons et qui nous font grandir. Ces géants peuvent être des figures inspirantes dont les idées nous illuminent et nous aident à progresser. Récemment, j'ai été particulièrement touché par le livre de Naval Ravikant, L'Almanach. Ce livre explore la notion de bonheur ou d'épanouissement en lien avec les aspects professionnels et personnels, et l'équilibre de vie. Cela m'a poussé à réfléchir à comment atteindre un équilibre entre vie pro, vie perso, santé, et proches, des aspects souvent négligés par les entrepreneurs.
Il y a deux ans, j'ai été très influencé par Ben Horowitz, un investisseur de la Silicon Valley. Ses livres, "The Hard Thing About Hard Things" et "What You Do Is Who You Are", sont des trésors de connaissances sur la résilience entrepreneuriale et la culture d'entreprise. En plus de la lecture, je suis très curieux et toujours en quête de nouvelles inspirations. J'écoute beaucoup de podcasts, comme "Génération Do It Yourself" ou le podcast américain de Joe Rogan.
En tant que CEO, je suis garant de l’énergie de l'entreprise, et ces sources d'inspiration m'aident à maintenir cette énergie constante pour atteindre nos ambitions.
Quel serait le meilleur conseil que vous pourriez donner à un entrepreneur qui veut se lancer ?
D'être aligné. Avoir une vision claire et savoir où aller est essentiel. Le chemin emprunté changera constamment, mais si l'on connaît son "pourquoi", cela donne une direction et une motivation solides. Simon Sinek en parle très bien dans son livre "Commence par Pourquoi", qui est une excellente ressource pour comprendre cette notion.
Il est crucial de déterminer pourquoi on veut entreprendre. Est-ce pour des raisons personnelles, sociales, ou autres ? Beaucoup disent vouloir entreprendre pour le simple fait d'être entrepreneur, mais cette motivation doit être suffisamment forte. L'entrepreneuriat est une aventure exigeante qui demande beaucoup de résilience.
En somme, il faut être aligné avec soi-même. Un entrepreneur devient tel avant même de trouver sa place sur le marché. Il faut être entrepreneur pour les bonnes raisons, pour ses propres raisons, et bien travailler ce "pourquoi" avant de se lancer. Voilà le conseil que je donnerais.