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Parents on Board : la startup qui réconcilie vie familiale et vie professionnelle

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Entreprendre entre frère et soeur : rencontre avec les fondateurs de Parents On Board

Crédit image : Les Échos.

Avec Parents on Board, l’adage selon lequel les bonnes idées naissent d’une mauvaise expérience se confirme. Après un burn-out au retour de son premier congé maternité, Marie Pellerin décide de s’associer à son frère Hubert pour créer une plateforme qui recense les entreprises les plus family-friendly et pour faire bouger les lignes de l’équilibre vie professionnelle/personnelle. Rencontre avec les fondateurs.

Malgré les évolutions sociétales récentes, comme l’instauration du congé paternité, concilier vie professionnelle et familiale reste encore aujourd’hui un défi. La startup Parents on Board, créée par Hubert et Marie Pellerin en janvier 2023, propose une solution innovante afin de pallier le problème. Née de la synergie entre les expériences personnelles des fondateurs et de leur expertise professionnelle, la plateforme souhaite rendre l’environnement de travail plus favorable aux parents.

Parents on Board a été conçu pour recenser les entreprises aux pratiques les plus inclusives grâce au "Family Score", un indice qui évalue leur engagement en matière de politiques parentales. Ce dispositif, élaboré en partenariat avec l'association Ensemble pour la petite enfance, s'inspire des recommandations de la commission gouvernementale sur l'importance des 1 000 premiers jours de la vie d'un enfant. Les candidats en quête d’un nouvel emploi family-friendly bénéficient ainsi d’un référentiel de qualité pour effectuer leurs recherches.

Pour Pôle Sociétés, Hubert et Marie Pellerin se livrent sur cette aventure entrepreneuriale qu’ils ont décidé de monter en famille.

Marie et Hubert, pourriez-vous chacun vous présenter ?

Marie : Avant la création de Parents on Board, je travaillais dans le domaine du marketing, plus précisément dans l'édition. La naissance de ma première fille a marqué ce chapitre de ma vie. À mon retour de congé maternité, j'ai été affectée à un nouveau poste, expérience qui, malheureusement, s'est soldée par un burn-out. Cette épreuve m'a contrainte à quitter mon emploi, car j'étais devenue physiquement et psychologiquement incapable de poursuivre. Cette période de pause m'a également permis de mûrir un projet de reconversion.

Je me suis orientée vers une formation en coaching de carrière, spécialisée dans l'accompagnement des transitions professionnelles. Mon activité m'a permis de rencontrer de nombreuses mères confrontées au défi de réintégrer le marché du travail après une pause dédiée à la parentalité. Elles se trouvaient souvent désemparées, ne sachant pas vers quel métier se tourner, comment trouver un poste en adéquation avec leurs aspirations, actualiser leur CV ou encore préparer un entretien d'embauche. C'est en travaillant auprès de ces femmes que l'idée m'est venue de créer une plateforme qui recense les entreprises sensibles à la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, véritablement family-friendly.

J'ai commencé à dire aux femmes que j'accompagnais : “Maintenant que vous avez identifié le métier ou le poste qui vous inspire pour l'avenir, vous pouvez utiliser cette plateforme pour dénicher l'entreprise qui vous permettra de concrétiser vos ambitions professionnelles tout en préservant votre équilibre familial.” C'est de cette réflexion personnelle et professionnelle qu'est née l'idée de Parents on Board. Lors d'un déjeuner familial, j'ai partagé mon projet avec mon frère Hubert, qui cherchait justement une opportunité pour se lancer dans l'entrepreneuriat. Motivé par le concept, il a décidé de s'associer à moi dans cette aventure.

Hubert : De mon côté, j’ai suivi un cursus d’école de commerce avec une spécialisation en finance, puis j'ai intégré le secteur des fonds d'investissement, notamment en private equity, où j'ai évolué pendant près de sept ans. Travailler aux côtés d'entrepreneurs m'a toujours donné l'envie de créer ma propre entreprise mais je réalisais que ma connaissance de la réalité quotidienne d’une startup restait plutôt théorique.

Pour gagner en pratique, j'ai rejoint Binex, un cabinet de conseil de taille modeste, où j'ai occupé le poste de Directeur Administratif et Financier. Quand je suis arrivé, Binex employait cinquante personnes, et à l'issue de son acquisition par Accenture, nous avions réussi à tripler nos effectifs. Cette expérience a été décisive pour saisir le fonctionnement interne d'une entreprise du digital et pour contribuer de manière significative à sa croissance. Chez Binex, j'ai pu embrasser une vision globale de l'entreprise, ce qui est essentiel dans une structure où l'on touche à tout. Puis Marie m'a présenté son idée de plateforme, et j’ai tout de suite été séduit, par le projet mais aussi par le fait de travailler entre frère et sœur.

Quelle a été votre expérience de la parentalité dans vos entreprises respectives ?

Hubert : Je n'ai pas d'enfants, donc je n'ai personnellement pas rencontré de problèmes à ce niveau-là dans mes précédentes entreprises. Cependant, j'ai souvent observé des collègues éprouver des difficultés à concilier vie professionnelle et arrivée d'un premier enfant. J'ai travaillé dans des environnements très différents : dans le milieu financier traditionnel avec une culture "marche ou crève", et dans une entreprise plus moderne et agile, très attentive à la flexibilité et au bien-être des employés. Cette dernière faisait partie d'Octo-Technology, rachetée par Accenture, et très avancée sur les questions de responsabilité sociale et environnementale, certifiée B-Corp. Je peux témoigner que leur engagement allait bien au-delà du simple affichage, ce qui était rafraîchissant et positif.

Marie : J’ai eu ma première fille alors que j'étais encore salariée et j’ai vécu un retour au travail post-congé maternité particulièrement difficile. Je me mettais beaucoup de pression pour exceller à la fois au travail et en tant que mère, ce qui était épuisant. J'avais l'impression constante de ne jamais être au bon endroit au bon moment, entre les regards peu bienveillants au bureau et les remontrances de la nounou pour mes retards. Le sentiment d'impossibilité de concilier un travail intéressant et le désir de ne pas déléguer entièrement l'éducation de mon enfant a été très perturbant.

Malheureusement, mon entreprise n'a pas su proposer les aménagements nécessaires pour un retour progressif, ce qui a contribué à une transition brutale et à un sentiment d'isolement. Personne ne m’a dit que j’avais droit à un entretien avec mon manager pour organiser mon retour, qu’une visite médicale était obligatoire pour vérifier que tout allait bien, qu’il était possible de faire des aménagements au début : c’était comme si je rentrais de vacances et qu’il ne s’était rien passé dans ma vie. Or, un congé maternité n’est pas neutre : notre vision des choses peut changer, l’ordre des priorités est bouleversé et j'avais l'impression que pour mon entreprise, c'était comme si j'étais juste partie deux semaines en vacances au soleil.

C’est ainsi que Parents on Board a commencé à prendre vie ? Que fait concrètement la plateforme ?

Hubert : Parents on Board s'adresse à deux publics cibles : les entreprises désireuses d'accroître leur visibilité et de recruter des talents, et les candidats en quête d'employeurs 100 % family-friendly et d'opportunités d'emploi adaptées. La première étape consiste à sélectionner les entreprises avec beaucoup de rigueur. Nous avons instauré un outil, le Family Score, qui évalue les politiques parentales et de flexibilité des entreprises. Chaque entreprise doit obtenir un score minimal de 40 sur 100 pour figurer sur notre plateforme, garantissant ainsi que seules les entreprises vraiment family-friendly y soient référencées. Cela offre aux entreprises une chance de se comparer et de se positionner par rapport aux standards du secteur en termes de politique familiale.

Pour les parents candidats, notre plateforme devient un outil précieux de sélection avec une perspective claire sur l'équilibre entre vie professionnelle et personnelle qu'ils peuvent espérer. Chaque entreprise peut mettre en avant ses bénéfices spécifiques : places en crèche, possibilités de télétravail, politiques de temps de travail flexible, etc. Elles peuvent également proposer des avantages tels que des congés parentaux prolongés, des congés pour enfants malades, et d'autres types de congés spéciaux.

La plateforme permet également aux entreprises de promouvoir leurs offres d'emploi, de diffuser leurs valeurs et de recueillir des candidatures. Nous disposons d'une base de données de 5 000 candidats, composée en majorité de professionnels expérimentés, entre 30 et 40 ans. Nos données montrent que ces candidats, souvent parents, sont plus susceptibles de rester longtemps au sein d'une entreprise où ils se sentent bien, contrairement aux jeunes diplômés qui peuvent être tentés de changer fréquemment d'emploi pour des raisons salariales ou de carrière. Notre plateforme offre donc un espace unique pour connecter ces deux mondes en fonction de leurs besoins spécifiques et engagements familiaux.

Quelle est la répartition hommes-femmes parmi les utilisateurs de votre plateforme ?

Hubert : Actuellement, notre plateforme compte environ 80 % d'utilisatrices et 20 % d'utilisateurs masculins. À l'origine, notre site s'intitulait Smart Moms, ce qui correspondait à une orientation initialement très féminine, centrée sur le coaching de jeunes femmes professionnelles par Marie. Face à la nécessité d'élargir notre audience et de rendre notre plateforme plus inclusive, nous avons opté pour un changement de nom en faveur de Parents on Board. Depuis, nous observons une augmentation progressive du nombre d'utilisateurs masculins, bien que la communication reste majoritairement orientée vers les femmes. Cette tendance reflète notre cible principale et les enjeux que nous continuons d'adresser.

Comment avez-vous financé le démarrage de votre entreprise ? Avez-vous bénéficié de subventions ou d'autres formes de soutien ?

Hubert : Nous avons d’abord autofinancé notre projet sur fonds propres. En novembre 2023, nous avons rejoint le programme d'incubation du Schoolab, ce qui nous a ouvert la porte à une subvention de la BPI que nous avons reçue en début d'année. Actuellement, notre équipe compte 5 à 6 membres et nous envisageons de nous développer davantage. Nous commençons à générer des revenus, ce qui nous permet de suivre une approche de croissance organique plutôt que de viser une expansion rapide typique des startups. Nous prévoyons d'utiliser ces premiers revenus pour renforcer nos équipes, particulièrement en sales et communication. À terme, nous devrons aborder des défis plus techniques, car ni Marie ni moi n'avons de compétences en développement informatique. Cela pourrait nous amener à envisager une levée de fonds pour recruter des développeurs et améliorer notre plateforme. Nous restons également ouverts à l'idée de réaliser une levée de fonds opportune pour saisir les dynamiques du marché et répondre efficacement à la demande croissante.

Vous arrive-t-il parfois de regretter le salariat ?

Marie : Honnêtement, l'entrepreneuriat n'était pas une voie que j'avais envisagée au départ. L'idée de créer ma propre structure m'est venue en cherchant un mode de travail qui m'évite le cadre rigide du salariat. Aujourd'hui, je ne regrette absolument pas mon passé de salariée, bien que certaines entreprises pourraient me rendre heureuse. Ce qui me satisfait le plus, c'est d'avoir pu créer un poste sur mesure, qui allie flexibilité entre ma vie professionnelle et personnelle. J'apprécie particulièrement la liberté de pouvoir travailler en soirée ou le week-end, et être disponible pour mes filles durant la semaine. Je réalise aussi que certaines tâches qui m'étaient pénibles en tant que salariée deviennent plus supportables et même agréables puisqu'elles contribuent à mon propre projet. L'investissement personnel change totalement la perspective.

Hubert : Pour ma part, je ne regrette pas non plus le salariat. C'était davantage un choix de vie à long terme pour moi. Je savoure pleinement cette liberté, bien que nous n'ayons pas encore atteint une stabilité financière. Chaque tâche, même la comptabilité du dimanche après-midi, prend un sens nouveau car elle est faite pour notre propre compte. Notre projet n'est pas seulement une entreprise, c'est une mission. Nous créons des emplois qui facilitent la réinsertion professionnelle et offrent des formations à travers des ateliers de coaching. C'est extrêmement gratifiant.

Est-ce un avantage de travailler en famille ?

Marie : Il y a des avantages notables, principalement en termes de confiance. Nous nous connaissons depuis toujours, ce qui peut simplifier certaines interactions qui seraient plus complexes avec des associés moins familiers. Cela dit, la réussite d'une association dépend de nombreux facteurs et peut varier indépendamment de la connaissance préalable entre les partenaires.

Pour ma part, la relation professionnelle avec mon frère se passe très bien et la fluidité de notre communication facilite grandement les choses. Par ailleurs, je bénéficie d'une certaine sérénité financière grâce au soutien de mon mari, ce qui enlève une grande part du stress habituellement associé au lancement d'une entreprise. Cette situation me permet de me consacrer pleinement au projet sans la pression immédiate de générer un revenu.

Néanmoins, cela introduit une autre complexité, celle de légitimer mon travail au sein de mon couple et de ma famille, surtout quand ce n'est pas moi qui contribue directement aux finances du foyer. Il est parfois difficile d'obtenir la reconnaissance que mon travail, bien que non rémunéré pour l'instant, est aussi crucial. Cela requiert un ajustement dans la dynamique familiale, surtout lorsque mon conjoint travaille également beaucoup et que ses engagements professionnels prennent souvent le dessus. Le défi réside donc non seulement dans la gestion de l'entreprise mais aussi dans l'affirmation de sa valeur et de sa légitimité face aux contraintes familiales et personnelles.

Quelles ont été vos plus grandes difficultés depuis le lancement de votre startup et, à l'inverse, vos plus grandes réussites ou fiertés ?

Marie : La plus grande difficulté a justement été la gestion de l'équilibre entre ma vie personnelle et professionnelle. Comme je l'ai mentionné, il est complexe de faire reconnaître et respecter mon activité, qui n'est pas encore rémunératrice, au sein de mon couple et de ma famille. J'ai également le souci d'être présente pour mes enfants, ce qui ajoute à la difficulté de trouver un équilibre. La fatigue liée à la gestion de trois jeunes enfants et des nuits perturbées réduit ma capacité à opérer à mon plein potentiel. Cette frustration de ne pas pouvoir avancer aussi vite que je le souhaiterais est un challenge constant.

Hubert : Pour ma part, ayant moins de contraintes familiales, ma principale difficulté réside dans mon impatience et ma tendance à vouloir élargir nos activités rapidement. Le défi a été de rester concentré sur notre vision initiale sans nous disperser, ce qui peut diluer notre efficacité et notre impact. Marie a été essentielle pour m'aider à canaliser ces impulsions, grâce à nos compétences complémentaires.

En termes de réussite, notre plus grande fierté est d'avoir non seulement survécu en tant qu'entreprise mais aussi d'avoir atteint une stabilité financière qui nous permet de considérer notre aventure comme durable. Convaincre les entreprises de payer pour nos services a été une étape clé, confirmant la viabilité de notre modèle économique. Le fait d'avoir réussi à fusionner nos expertises pour travailler ensemble en harmonie est également quelque chose dont nous sommes particulièrement fiers.

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Sommaire

  • Marie et Hubert, pourriez-vous chacun vous présenter ?
  • Quelle a été votre expérience de la parentalité dans vos entreprises respectives ?
  • C’est ainsi que Parents on Board a commencé à prendre vie ? Que fait concrètement la plateforme ?
  • Quelle est la répartition hommes-femmes parmi les utilisateurs de votre plateforme ?
  • Comment avez-vous financé le démarrage de votre entreprise ? Avez-vous bénéficié de subventions ou d'autres formes de soutien ?
  • Vous arrive-t-il parfois de regretter le salariat ?
  • Est-ce un avantage de travailler en famille ?
  • Quelles ont été vos plus grandes difficultés depuis le lancement de votre startup et, à l'inverse, vos plus grandes réussites ou fiertés ?