Lancée fin 2021 en réponse aux nouvelles problématiques de travail hybride post pandémie, Flexliving a réussi à s’imposer en moins de 3 ans comme un acteur phare du corporate housing. Lionel Bodénès, cofondateur, raconte pour Pôle Sociétés la genèse de ce projet né au sein de la BNP, puis son envol en tant qu’entrepreneur.
Pour de nombreuses startups, le changement des habitudes de travail a créé de belles opportunités de marché. C’est le cas pour Flexliving, qui a su construire une offre pionnière de solutions de logement flexible et clé-en-main, adaptées aux besoins changeants des entreprises comme des employés.
Avec un parc immobilier croissant et des partenariats stratégiques avec des sociétés foncières de renom, Flexliving s'efforce de devenir la marque incontournable de logements destinés aux entreprises et à leur personnel dans les principales villes européennes. Lionel Bodénès, l’un des trois cofondateurs, raconte la genèse de cette Proptech née d’un projet intrapreneurial au sein de BNP Paribas, et nous livre sa vision stratégique.
Quelle est la genèse de Flexliving ?
Flexliving a vu le jour il y a près de trois ans. Avec mes deux actuels associés et collègues de l’époque, nous avions développé une startup intrapreneuriale au sein de BNP Paribas : une marketplace dédiée au co-living. Cette expérience a renforcé notre conviction que l'entrepreneuriat était avant tout une aventure humaine : pour réussir, il faut un bon match de cofondateurs.
Alexandre Marcadier, Caué Brioli et moi-même, avons chacun apporté nos atouts complémentaires à ce projet. Alexandre, avec son solide background opérationnel dans l'immobilier, Caué, grâce à ses compétences en digital et marketing, et moi-même, fort d'une expérience approfondie en développement immobilier, avons formé un trio équilibré. Motivés par notre réussite au sein de BNP Paribas, nous avons décidé de prendre le risque de lancer notre propre entreprise et d’exploiter au maximum nos compétences acquises.
Comment Flexliving se distingue-t-elle dans le marché du co-living ?
Au sein de la BNP, nous avions lancé une marketplace B2C pour le co-living, CoLiveMe, mais nous avons rapidement identifié une opportunité de marché post-covid pour le B2B. Flexliving propose donc des logements clés en main, meublés et équipés, connectés, spécialement conçus pour les collaborateurs d'entreprises. Nos logements ont une particularité : ils se trouvent dans les hyper centres urbains, à proximité immédiate des bureaux.
L’explosion du télétravail et la forte croissance des déménagements vers la province nous ont bénéficié. Breton d’origine, j’avais moi-même passé beaucoup de temps dans cette région durant le confinement et j’ai pu observer que certains de mes proches réfléchissaient à s’y réinstaller tout en revenant régulièrement à Paris : mais il manquait un logement pour répondre à leurs besoins. C’est ainsi qu’on a pensé à une solution sous forme d’abonnement pour les travailleurs hybrides (mi-remote, mi-présentiel).
Le fait d’offrir un logement aux collaborateurs qui ont décidé de s’éloigner fait-il désormais partie d’une culture d’entreprise ?
Les entreprises commencent à reconnaître que le travail hybride est devenu la norme. Elles comprennent que le logement peut être un outil puissant pour attirer et retenir les talents. Bien qu’elles n'aient pas encore toutes adopté ce modèle, celles qui l'ont fait constatent qu'il améliore significativement leur attractivité en tant qu'employeur. La carte Ticket Resto ne suffit plus pour attirer les jeunes, alors qu’un ticket logement peut faire la différence comme avantage concurrentiel, sans compter que notre abonnement est nettement moins cher que l’offre hôtelière classique par laquelle passaient les collaborateurs : nous garantissons un prix fixe à l’année.
Pouvez-vous nous raconter le lancement de Flexliving et les premiers défis que vous avez rencontrés ?
Au début de notre projet, nous avons adopté l’approche assez traditionnelle du fameux "fake it until you make it". Pour tester l'intérêt du marché, nous avons placé une fausse annonce sur les portails immobiliers traditionnels et utilisé les réseaux sociaux pour augmenter notre visibilité. Cette annonce fictive pour un appartement de trois chambres a généré 300 réponses de collaborateurs intéressés par des séjours réguliers, ce qui nous a rapidement fourni une preuve concrète de la demande du marché.
Suite à cette validation, nous avons contacté un agent immobilier de confiance pour acquérir notre premier bien immobilier. Après avoir obtenu les clés, nous avons été confrontés à la réalité d'un appartement vide, qui devait être meublé et équipé pour être fonctionnel rapidement. Mon associé Alexandre et moi avons pris en charge personnellement l'aménagement : installation du mobilier, accueil des premiers occupants. Nous avons même géré le ménage hebdomadaire ! Cette expérience des débuts a été essentielle pour nous apprendre à maîtriser chaque aspect de notre activité. On a préféré s’impliquer plutôt que déléguer, ce qui a façonné notre état d'esprit entrepreneurial : commencer bas et petit.
Quelle stratégie de développement poursuivez-vous depuis ?
Notre stratégie de développement a évolué avec le temps, en réponse directe aux besoins changeants du marché. Initialement, nous proposions des logements sur des jours fixes et réguliers, typiquement pour des professionnels venant à Paris à des jours précis, ou à Marseille où ils avaient besoin d’un logement tous les mardis et mercredis. Rapidement, nous avons observé une demande pour plus de flexibilité, surtout avec l'essor du travail hybride. Cela nous a conduits à développer notre offre Airflex, un abonnement logement qui offre une flexibilité accrue.
En explorant plus avant, nous avons identifié trois besoins distincts dans le secteur corporatif, ce qui a abouti à la création de plusieurs produits : le premier, FlexHouse, est conçu pour des professionnels en mission à Paris à temps plein, offrant une solution de logement de fonction 2.0. Le deuxième, FlexQuarters, est destiné aux entreprises ayant besoin d’un QG ou d’un appartement d'entreprise pour des collaborateurs venant de différentes villes. Enfin, notre offre initiale, AirFlex, proposant un abonnement mensuel pour les collaborateurs délocalisés. Le tout évidemment avec une expérience 100 % digitale, sans friction.
Pour mettre ces produits sur le marché, nous avons capitalisé sur notre réseau existant bâti lors de nos précédentes expériences. Nous avons commencé avec l'aide d’un agent immobilier qui a trouvé notre premier appartement clé, situé dans le deuxième arrondissement à Paris. À mesure que notre portefeuille s’est développé, nous avons pu établir des contacts avec des propriétaires plus professionnels, et aujourd'hui, de nombreux investisseurs institutionnels nous font confiance, y compris des entités majeures comme BNP Paribas REIM, Primonial et d'autres fonds américains.
Dans la même dynamique, nous, les fondateurs, avons adopté une approche très directe pour démarcher les entreprises, en les contactant personnellement, ce qui a renforcé l'aspect humain et personnalisé de nos services. Ensuite, nous avons constitué une équipe de commerciaux dédiés pour gérer et développer ces relations. Cette stratégie globale nous a permis de répondre précisément aux besoins du marché en offrant des solutions de logement adaptées et en anticipant les tendances du travail hybride.
Vous avez réalisé deux levées de fonds en moins de 3 ans. Pouvez-vous nous parler de cette expérience ?
Flexliving a été fondée fin 2021, juste après la période COVID. Nous avons d’abord financé l'entreprise avec nos propres deniers. Notre première levée de fonds a eu lieu après avoir développé un premier portefeuille significatif, basé sur notre modèle de location et sous-location. Cette traction initiale nous a encouragés à chercher des investissements extérieurs pour élargir notre capacité.
La première levée s'est avérée assez simple grâce à l'intérêt clair du marché pour notre produit tech et le besoin d'étendre notre offre. Cela a facilité les discussions avec les investisseurs, car nous avions déjà une traction solide et un besoin clair de ressources supplémentaires pour scaler notre modèle.
Cependant, la deuxième levée de fonds s'est présentée dans un contexte plus difficile, mais notre capacité à dépasser les objectifs fixés lors de la première levée a renforcé la confiance de nos investisseurs. À ce moment-là, nous avions non seulement une forte demande pour nos logements, mais également une liste d'attente d'entreprises désireuses de bénéficier de notre solution. Ce dynamisme nous a permis de sécuriser le financement nécessaire malgré un environnement de marché plus contraignant.
Est-ce qu'on naît entrepreneur ou le devient-on ?
Je ne crois pas être né entrepreneur, en fait, c’est une vocation qui s’est révélée à moi de manière assez inattendue. Tout a commencé avec un simple email reçu alors que j'étais encore salarié chez BNP Paribas, en costume d'entreprise, annonçant un concours d'innovation. J'ai participé avec mon collègue Alexandre, et ensemble, nous avons pitché notre idée. C'est ainsi que nous sommes devenus intrapreneurs.
Sans cet email, je ne suis pas sûr que j'aurais pris l'initiative de me lancer dans l'entrepreneuriat. C’est vraiment un heureux hasard qui m’a mis sur cette voie. Depuis, l’idée de créer quelque chose de nouveau, de gérer une entreprise et d'innover est devenue une passion. Ce qui m’anime au quotidien, c’est cette dynamique de création et la liberté que cela procure, non seulement à moi-même mais aussi à mes collaborateurs. Nous cherchons à refléter cette liberté à travers nos produits, en permettant à nos clients et à leurs collaborateurs de vivre où ils le souhaitent tout en restant connectés à leur environnement professionnel.
En fin de compte, notre vision de l'entrepreneuriat se reflète directement dans nos services, ce qui est assez rare. C'est cette adéquation entre ce que nous prônons et ce que nous pratiquons qui nourrit notre fierté et notre motivation à développer Flexliving, non seulement à Paris mais aussi potentiellement dans d'autres grandes villes.
Quel conseil donneriez-vous à un entrepreneur qui démarre ?
Deux qualités fondamentales sont essentielles pour tout entrepreneur : le courage et la ténacité. Par courage, j'entends la capacité à relever des défis de taille et à innover en sortant des sentiers battus. Être entrepreneur, c'est souvent pousser des montagnes, se confronter à l'inconnu et briser des normes établies. Cependant, il est tout aussi crucial de ne pas être aveuglément têtu. La ténacité doit être équilibrée avec la capacité à reconnaître quand une direction ne répond plus aux attentes du marché, ou quand elle ne génère pas la valeur attendue.
Il y a une question fondamentale à se poser : les clients sont-ils prêts à payer pour ce que je propose ? Si une solution crée réellement de la valeur, elle générera des revenus. Cela nous amène au concept de croissance saine. Il ne s'agit pas nécessairement de rechercher une hyper-croissance rapide à tout prix, mais plutôt de construire une entreprise rentable, stable, et durable.
En termes de motivation quotidienne, ce qui me stimule est l'interaction avec d'autres acteurs du secteur. J'apprécie les échanges informels avec des pairs ou des acteurs d'autres industries, autour d'un café, où l'on peut explorer des idées et s'inspirer mutuellement. Ces discussions enrichissantes sont souvent aussi bénéfiques que les connaissances acquises dans les livres ou lors de conférences.
