Dans un climat de tensions croissantes entre les médias et les plateformes numériques, plusieurs grands médias français, dont Le Monde, Le Figaro ou encore Les Echos, ont décidé de poursuivre le réseau social X (anciennement Twitter) devant le tribunal judiciaire de Paris. En jeu : le respect des droits voisins, un dispositif juridique européen, instauré en 2019, pour garantir une rémunération équitable des contenus journalistiques partagés en ligne.
Un combat juridique pour la rémunération des contenus en ligne
Plusieurs grands médias français, parmi lesquels Le Monde, Le Figaro et l’AFP (Agence France Presse), ont engagé une action en justice contre le réseau social X (anciennement Twitter). Ils accusent la plateforme numérique, détenue par Elon Musk, de ne pas respecter les conditions légales relatives aux droits voisins, un mécanisme légal qui garantit la rémunération des éditeurs de presse lorsque leurs contenus sont réutilisés en ligne. Cette plainte a été déposée devant le tribunal judiciaire de Paris, prolongeant un bras de fer engagé depuis plusieurs années entre les médias et les géants du numérique.
Adoptés en 2019 via une directive européenne, les droits voisins ont pour objectif de rééquilibrer les relations économiques entre plateformes numériques et producteurs de contenu. Malgré plusieurs injonctions judiciaires, X n'a jamais ouvert de négociations avec les médias français, se plaçant ainsi en position d’infraction selon les plaignants. En mai 2024, la justice avait ordonné à X de fournir des données sur les revenus générés grâce aux publications des médias, une décision restée lettre morte. Les éditeurs réclament désormais des millions d’euros en compensation, dénonçant une volonté manifeste de se soustraire aux obligations légales.
Une bataille à l’image des tensions entre médias et plateformes numériques
Cette nouvelle offensive juridique s'inscrit dans un contexte plus large de confrontation entre la presse et les plateformes technologiques. En 2021, des accords avaient été conclus entre certains éditeurs français et des acteurs comme Google et Meta, permettant une rémunération encadrée pour l’utilisation des contenus. Ces accords sont actuellement renégociés, tandis que les conflits se multiplient. L'Autorité de la concurrence française a récemment infligé une amende de 250 millions d'euros à Google pour non-respect de ses engagements initiaux, accentuant la pression sur les géants du numérique.
Pour les éditeurs, le refus persistant de X constitue une menace pour la viabilité financière de leurs publications. Louis Dreyfus, président du directoire du Monde, estime que l’enjeu dépasse le cadre financier, touchant à la survie même d’une presse libre et indépendante face à des modèles économiques dominés par des algorithmes opaques. Par ailleurs, la montée en puissance de l'intelligence artificielle, qui s’appuie souvent sur des contenus journalistiques sans compensation, représente un défi supplémentaire.
Enfin, cette affaire n’est pas isolée : des éditeurs français ont également déposé plainte contre Microsoft pour des pratiques similaires via ses plateformes LinkedIn et Bing. Ces litiges pourraient poser les bases d’une jurisprudence européenne visant à renforcer les droits des médias face aux acteurs technologiques.