Révélée dans l’émission “Qui veut être mon associé ?”, Marie Rocchisani, fondatrice de Maison M., a séduit les investisseurs comme le public avec son rouge à lèvres intelligent, capable de proposer 60 000 teintes personnalisées grâce à l’IA. Si elle n’a pas levé de fonds sur le plateau, son passage a offert un coup d’accélérateur à sa startup, entre boom des ventes et nouvelles opportunités. Pour Pôle Sociétés, elle revient sur son expérience et les coulisses de cette aventure télévisuelle.
Avec Maison M., Marie Rocchisani réinvente le rouge à lèvres en combinant intelligence artificielle, personnalisation et engagement écoresponsable. Son innovation ? Un écrin rechargeable offrant jusqu’à 60 000 teintes possibles, adaptées à chaque cliente grâce à une IA développée en interne.
Sans formation initiale en tech, elle s’est entourée d’experts pour concrétiser son projet et lever près d’1,5 million d’euros avant même la commercialisation. Malgré un marché ultra-concurrentiel, elle a su imposer sa vision d’un maquillage sur-mesure et durable.
Sa participation à « Qui veut être mon associé ? » a marqué un tournant. Si elle n’a pas décroché d’investissement, elle en ressort avec une visibilité inespérée et l’accompagnement stratégique précieux de Jean Michel Karam. Comment a-t-elle vécu cette expérience ? Quels enseignements en tire-t-elle ? Marie Rocchisani nous raconte dans cet entretien exclusif.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours avant la création de Maison M. ?
J’ai eu l’idée de Maison M. il y a plusieurs années déjà. Tout est parti de l'impressionnante collection de rouges à lèvres de ma tante dans sa salle de bain. En l’observant, j’ai réalisé que choisir la bonne teinte en fonction de sa tenue ou de son humeur relevait d’un vrai dilemme quotidien. D’où l’idée : pourquoi ne pas créer un seul rouge à lèvres capable de remplacer toute cette collection ?
Vous avez donc construit votre parcours professionnel avec cet objectif en tête ?
Exactement. Dès le début de ma carrière, j’ai orienté mes expériences en conséquence. J’ai travaillé dans le secteur de la beauté, puis dans une startup, pour comprendre à la fois les codes de l’industrie cosmétique et ceux de l’innovation.
Ensuite, j’ai rencontré Clara, une ingénieure en formulation cosmétique. Elle a réussi un véritable exploit : développer une formule longue tenue qui ne dessèche pas les lèvres, ce qui est généralement très difficile. Elle a aussi tenu à utiliser des ingrédients naturels et vegan, sans perturbateurs endocriniens ni silicones. Plus de 250 essais ont été nécessaires pour arriver à la formule finale.
Combien de temps a duré la phase de R&D ?
Rien que sur la formule, un an et demi de travail. Mais ce qui fait la spécificité de Maison M., c’est que nous avons tous développé en interne, même notre outil d’IA. Nous ne nous sommes pas contentés d’innover sur le rouge à lèvres : nous avons aussi conçu des machines capables de produire une teinte sur mesure en quelques secondes. En d’autres termes, nous avons miniaturisé une usine de production dans une machine compacte.
Comment avez-vous financé le développement de cette technologie ?
C’était un vrai défi. Contrairement aux marques classiques qui s’appuient sur des infrastructures existantes, nous avons dû créer nos propres moules et lignes de production, ce qui représente des coûts très élevés.
Nous avons commencé par solliciter des subventions et des aides régionales, et nous avons participé à plusieurs concours pour financer la phase de R&D. Ensuite, pour l’industrialisation, nous avons réalisé une levée de fonds. Avant même la commercialisation de notre premier produit, nous avons réussi à lever près d’1,5 million d’euros. Un vrai exploit pour une startup portée par de jeunes entrepreneures évoluant sur un marché dominé par de grands groupes.
Justement, se lancer dans un secteur aussi concurrentiel ne vous a pas fait hésiter ?
Bien sûr ! Affronter des géants du cosmétique, c’est un défi de taille. Mais paradoxalement, l’innovation dans ce secteur est souvent limitée. Beaucoup de marques parlent de nouveautés, mais les vraies révolutions sont rares. Notre concept a immédiatement suscité l’intérêt, car il répondait à un besoin concret et non satisfait. Avant de me lancer, j’ai mené de nombreuses études de marché pour m’assurer que cette idée ne plaisait pas seulement à moi et à ma tante, mais qu’elle répondait à une attente réelle des consommatrices.
Vous avez récemment participé à l’émission télévisée Qui Veut Être Mon Associé. Pourquoi ce choix ?
La production de l’émission nous a contactées et cela tombait à un moment clé pour Maison M. Nous venions de finaliser notre phase de R&D et nous commencions tout juste la commercialisation. C’était l’opportunité idéale pour gagner en visibilité et accélérer notre croissance.
Comment s’est déroulée la sélection ?
Nous avons monté un dossier, puis participé au tournage début octobre. La préparation a été intense, car nous voulions présenter notre machine en direct sur le plateau. Ce n’était pas une mince affaire : d’ordinaire, elle est installée dans nos laboratoires, et il a fallu l’adapter pour un format télévisé.
J’étais très stressée, d’autant que je suis une grande fan de l’émission. Je la regarde depuis la première saison, et je m’identifie toujours aux entrepreneurs qui y passent. Je me dis souvent : « Pourquoi n’a-t-il pas insisté sur ce point ? » ou « Il aurait dû répondre différemment ». Cette fois, c’était mon tour de jouer le jeu !
Vous rêviez donc de participer ?
Absolument. Je me souviens m’être souvent imaginée sur ce plateau et le rêve s’est concrétisé. Mais au-delà de l’émotion, cela a nécessité une préparation intensive, tant sur le plan technique que mental.
Beaucoup de gens voient simplement un pitch à la télévision, mais derrière, il y a des heures de travail. Les investisseurs prennent leur décision en se basant sur des chiffres concrets, et nous devions tous les connaître par cœur. Aucune note n’était autorisée pour des raisons télévisuelles, donc il fallait être capable d’exposer clairement la vision, la stratégie et le potentiel de Maison M.
Le jour du tournage, tout est allé très vite. Six heures sur place m’ont semblé durer 30 minutes. Entre le maquillage, les derniers réglages et l’installation de notre machine, la tension montait progressivement. Puis vient ce grand moment où tout le monde s’affaire autour, avant le silence total et l’affrontement avec les investisseurs.
Comment avez-vous vécu votre passage devant les investisseurs ?
C’était un mélange de stress et d’excitation. J’avais hâte de leur présenter notre projet et d’obtenir leurs retours. Mon pitch s’est terminé à la fin du gong, ce qui m’a mise en confiance. J’ai senti qu’ils étaient réceptifs à l’innovation que nous apportons : le rouge à lèvres 3-en-1, le diagnostic intelligent, la rechargeabilité… Ils ont vraiment perçu la valeur ajoutée du produit.
L’un des moments les plus marquants pour moi a été mon échange avec Jean Michel Karam. C’est un entrepreneur que j’admire depuis longtemps. Il m’impressionne par sa vision et son expertise, et sentir qu’il comprenait immédiatement le potentiel de Maison M. a été très fort.
Vous n’avez pourtant pas levé de fonds lors de l’émission. Avez-vous été déçue ?
Pas du tout. Bien au contraire, je repars avec bien plus que les 200 000 euros demandés. Nous avons reçu des retours extrêmement positifs et aucun signal d’alerte sur notre stratégie. C’était justement ce que je craignais : qu’on nous dise que nous faisions fausse route sur un aspect majeur du projet.
En réalité, les investisseurs ont simplement estimé qu’il était encore un peu tôt pour intervenir. Malheureusement, c’est une tendance classique en France : les investisseurs préfèrent arriver « au secours de la victoire », une fois que l’entreprise a déjà fait ses preuves. Aux États-Unis, un projet comme le nôtre aurait immédiatement attiré des financements, parce que le potentiel de marché est évident. En France, il faut souvent montrer des chiffres de vente conséquents avant de susciter l’intérêt.
Cela dit, nous avions déjà levé près d’1,5 million d’euros avant même la commercialisation, ce qui est une performance rare pour une startup B2C. Jean Michel Karam a commencé à nous accompagner et son expertise nous est précieuse.
L’émission a-t-elle eu un impact immédiat sur votre activité ?
Oui, et bien au-delà de nos attentes ! Dès la diffusion, nous avons connu un afflux massif de visiteurs sur notre site. Heureusement, il a tenu bon. Les commandes ont explosé et, surtout, les retours clients ont été extrêmement positifs.
Beaucoup de personnes ont découvert Maison M. grâce à l’émission et sont devenues nos meilleures ambassadrices. Nos clientes sont fidèles, elles rachètent et parlent de nous autour d’elles. Certaines commencent par offrir un rouge à lèvres, puis reviennent pour en acheter un pour elles-mêmes. C’est le plus beau signe de validation que nous pouvions espérer.
Jean Michel Karam vous accompagne désormais. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Il possède plusieurs entreprises, dont L’Atelier du Sourcil, et nous avons noué un partenariat avec eux. Maison M. est désormais présent sur leur site et dans leurs boutiques.
Mais le plus gros développement récent, c’est notre arrivée aux Galeries Lafayette Haussmann. C’est une vitrine exceptionnelle et un vrai levier de croissance pour nous. J’étais d’ailleurs sur place ce week-end pour rencontrer nos clientes en direct, et je compte y retourner régulièrement. Les interactions sont précieuses pour ajuster notre discours et mieux comprendre les attentes du marché.
Quels sont vos projets à court et moyen terme ?
Dans l’immédiat, nous devons livrer toutes les commandes, ce qui est un challenge en soi étant donné le succès post-émission. Ensuite, nous voulons accélérer notre développement commercial en ligne et en physique. Nous cherchons à intégrer d’autres points de vente sélectifs, comme des concept stores ou des enseignes spécialisées en beauté et innovation.
Nous réfléchissons aussi à un développement à l’international, en commençant par des marchés sensibles à la technologie et à la personnalisation, comme les États-Unis, l’Asie ou le Moyen-Orient.
Envisagez-vous d’élargir votre gamme de produits ?
Oui, la personnalisation a un immense potentiel dans la beauté et nous avons déjà plusieurs idées. Mais chaque chose en son temps. Pour l’instant, notre priorité est d’asseoir la notoriété de Maison M. et d’optimiser notre modèle actuel avant d’élargir notre offre.
Quel conseil donneriez-vous à un entrepreneur qui hésite à se lancer ?
L’audace. C’est une valeur essentielle, et elle est au cœur de Maison M. Il faut oser, s’affirmer et croire en son projet. Mais l’audace seule ne suffit pas : la persévérance est tout aussi importante.
L’entrepreneuriat peut sembler séduisant de l’extérieur, mais c’est un parcours exigeant, semé d’obstacles. Il faut être prêt à affronter des défis quotidiens et à ne jamais lâcher. Ceux qui réussissent ne sont pas forcément les plus brillants, mais ceux qui tiennent bon.