5 minutes de lecture

“L'accueil des enfants face à Code en Bois a été fantastique” : Marc Agenis-Nevers invente un jeu pour apprendre à coder dès le plus jeune âge

Publié le

Interview de Marc Agenis-Nevers, fondateur de Code en Bois

Crédit image : Marc Agenis-Nevers.

En mars 2022 , Marc Agenis-Nevers lance Code en Bois, un jeu sans écran pour apprendre aux enfants les bases de la programmation informatique à l’école. Ce qui était au départ un side project rencontre aujourd’hui un joli succès. Marc Agenis-Nevers détaille en exclusivité pour Pole Sociétés sa success story.

Code en Bois propose des kits innovants pour apprendre à coder dans les salles de classe avec des briques en bois colorées, emboîtables et magnétiques, où figurent des instructions informatiques. Fondée à Clermont-Ferrand, Code en Bois a pour ambition de se développer à grande échelle et de fournir du matériel pédagogique aux écoles.

Ingénieur de formation, Marc Agenis-Nevers quitte son job en 2022 pour se lancer pleinement dans cette aventure. Un pari qui semble aujourd’hui porter ses fruits, avec de nouveaux projets de développement en cours.

Quel est votre parcours ?

Je m'appelle Marc Agenis-Nevers. Mon parcours est un peu atypique, plutôt scientifique. J'ai toujours été quelqu'un de curieux, avide de comprendre le monde qui m'entoure, d'explorer et de spéculer sur divers sujets. Je suis ingénieur en agronomie de formation, mais ma passion pour les sciences m'a conduit à m'intéresser plus particulièrement à la biologie, et plus précisément au végétal.

Tout au long de ma carrière, j'ai toujours été impliqué, directement ou indirectement, dans la recherche et développement (R&D), c'est-à-dire dans ce qui est nouveau, dans l'innovation. J'ai travaillé dans le secteur privé, notamment de nombreuses années chez Veolia, où j'ai contribué à différents procédés liés à l'environnement et à l'énergie. En parallèle, j'ai aussi pris le temps de me former à l'analyse de données et à l'informatique, ce qui a élargi mon champ de compétences.

Qu'est-ce qui vous a amené à vous tourner vers l'éducation ?

Ce sont vraiment les circonstances : je suis père de famille, avec quatre enfants entre 7 et 12 ans, donc l'éducation est au cœur de mon quotidien. L'entrepreneuriat dans le domaine de l'éducation n'était pas un choix délibéré au départ, mais plutôt le fruit du hasard. J'ai souvent développé des petites idées et projets personnels, mais pour Code en bois, elle a rapidement montré son potentiel commercial. L'idée a mûri au fil du temps, et avec un petit coup de pouce du destin, j'ai décidé de me lancer pleinement dans ce projet entrepreneurial.

Comment l'idée de Code en Bois vous est-elle venue ?

L'idée de Code en Bois est née d'une expérience personnelle. À l'époque, je travaillais dans le domaine de l'informatique scientifique, et j'ai eu l'opportunité, en tant que parent, de présenter mon métier à la classe de mes enfants. Je ne voulais pas simplement expliquer que je passais mes journées à écrire des lignes de code. Je me suis donc demandé comment rendre cela plus amusant, sans pour autant devoir amener une vingtaine d'ordinateurs en classe.

Il existe un outil appelé Scratch, qui permet aux enfants de coder de manière visuelle sur ordinateur, en utilisant des blocs colorés au lieu de lignes de code classiques. J'ai pris ce concept et je l'ai transposé dans le monde réel, en utilisant du carton au début, puis très vite du bois. Il se trouve que ce concept n'avait pas vraiment été commercialisé auparavant, et c'est ainsi que Code en Bois a vu le jour en tant que premier produit de ce genre.

Pourquoi est-il important pour les enfants d'apprendre à coder dès leur plus jeune âge ?

Il est essentiel que les enfants apprennent à coder aujourd'hui, car nous vivons dans un monde de plus en plus digital. L'Éducation nationale l'a bien compris, et depuis 2016, des compétences en algorithmique et en programmation informatique sont intégrées dans les programmes scolaires, dès la maternelle, puis au primaire, au collège, et au lycée. C'est un progrès majeur qui prépare les jeunes générations à comprendre et à maîtriser cet environnement numérique omniprésent.

L'intérêt est double. Premièrement, il est crucial que les enfants ne soient pas de simples utilisateurs passifs de la technologie, mais qu'ils en comprennent les mécanismes. Nous sommes entourés de processeurs et d'algorithmes dans notre vie quotidienne, que ce soit dans nos cartes bancaires, nos smartphones ou même nos pass de transport. Ce monde digital ne doit pas les contrôler ; ils doivent apprendre à le maîtriser.

Deuxièmement, il y a un enjeu d'égalité des sexes dans le domaine du numérique. Des études ont montré que l'écart entre garçons et filles en matière d'appétence pour les mathématiques et l'informatique se creuse dès le cycle 2, soit au niveau du CE1 et du CE2. Il est donc crucial d'encourager les filles à s'intéresser à ces matières dès le plus jeune âge pour éviter ce décrochage.

Comment fonctionne Code en Bois ? Quelle est la réaction des enfants en classe ?

Code en Bois se compose de morceaux de bois qui symbolisent des instructions d'un programme informatique de base, un peu comme les ingrédients d'une recette de cuisine. Chaque programme informatique repose sur cinq ou six éléments fondamentaux, comme les actions simples, les répétitions, les conditions, et les fonctions. Avec ces briques, les enfants peuvent créer une grande diversité d'algorithmes et de programmes. Les enfants utilisent ces instructions pour déplacer un petit "robot" dans un labyrinthe, (un aimant manipulé au tableau) sans électronique ni écran.

L'accueil des enfants face à Code en Bois a été fantastique dès le premier test. Ils adorent manipuler les éléments, jouer, et interagir avec le tableau. Le côté ludique et tactile de l'apprentissage est très apprécié, particulièrement chez les enfants de 6 à 13 ans. Même si, à partir du collège, certains préfèrent passer aux ordinateurs, ce qui est tout à fait naturel, le concept sans écran reste très populaire auprès des plus jeunes. Les retours sont très positifs, que ce soit de la part des enfants, des parents ou des enseignants.

Comment fonctionne votre activité ?

Notre modèle de vente se divise en deux grandes activités. La première moitié de notre activité concerne la fabrication et la vente du matériel. Nous concevons et faisons évoluer les briques de Code en Bois, en produisant également une multitude de ressources pédagogiques pour que les écoles puissent s'approprier ce matériel de manière autonome. Cela inclut les professeurs des écoles primaires, les enseignants de mathématiques, et ceux de technologie. Nous comptons aujourd’hui plus de 53 écoles équipées, réparties dans toute la France, avec quelques-unes également à l'étranger.

La deuxième partie de notre activité est axée sur la prestation de services, en particulier l'intervention en milieu scolaire. Personnellement, j'anime beaucoup d'ateliers en classe où j'explique ce qu'est un algorithme, l'algorithmique, et j'introduis les élèves à Code en Bois. Nous développons également un petit réseau d'animateurs pour étendre ces interventions.

Comment se sont passés les débuts de votre startup ? Comment avez-vous financé la production initiale ?

Les débuts se sont financés de manière assez modeste, principalement en auto-financement. J'ai aussi bénéficié d'un peu de "love money", c'est-à-dire des fonds provenant de proches et de la famille. À l'origine, Code en Bois a commencé comme un projet parallèle, un side project, donc je n'ai pas cherché à lever des fonds importants dès le début.

Ce qui a été vraiment intéressant, c'est que dès le départ, j'avais un produit que je pouvais vendre. Cela m'a permis de générer des revenus tout en continuant à améliorer le produit. Chaque étape de son évolution a été financée par les ventes précédentes, ce qui a permis de faire évoluer et de perfectionner Code en Bois au fur et à mesure, tout en maintenant une activité commerciale.

Et aujourd'hui, quelle est la situation de votre chiffre d'affaires, deux ans après le lancement ?

Je préfère ne pas divulguer mon chiffre d'affaires exact. Cependant, ce que je peux dire, c'est que nous avons connu une croissance significative. Par exemple, entre la première et la deuxième année, nous avons multiplié notre chiffre d'affaires par 2,5. Et cette année, je m'attends à une multiplication par 6, ce qui est très encourageant.

Pouvez-vous nous parler de vos projets futurs, éventuellement un jeu de société ?

Nous constatons une forte demande de la part des écoles, ce qui est très positif. Mais nous avons également un petit kit destiné aux particuliers, qui permet aux familles de jouer et d'apprendre ensemble. Cependant, je n'ai pas encore mis en place de stratégie de grande envergure pour ce segment : à l'origine, Code en Bois a été conçu comme un outil éducatif destiné principalement aux écoles. Il permet aux enfants d'apprendre de nombreuses compétences essentielles : la manipulation, l'écoute, et la coopération entre camarades. Au fur et à mesure, les enfants progressent à travers des missions de plus en plus complexes, intégrant ainsi une forme de ludopédagogie, où l'apprentissage se fait par le jeu. Le rôle du professeur reste crucial pour guider les élèves et apporter les compétences nécessaires.

Notre projet pour la fin de cette année et l'année prochaine est d'aller plus loin en proposant une version plus gamifiée, davantage orientée vers le jeu de société. Ce sera une version encore plus ludique, mais avec un fond pédagogique, où l'on pourra jouer à plusieurs, soit en collaboration, soit en compétition.

Cette nouvelle version sera destinée à un public plus large, en dehors du cadre scolaire. Pour le moment, nous concentrons nos efforts sur les écoles, car c'est là que nous pouvons toucher le plus grand nombre d'enfants et avoir un impact significatif. Mais avec cette version plus gamifiée, nous visons également le grand public, permettant ainsi aux enfants de mieux comprendre ces processus complexes, parfois même mieux que leurs propres parents, ce qui est assez fascinant.

Qu'est-ce qui vous anime aujourd'hui dans l'entrepreneuriat, surtout après avoir connu une longue période de salariat ? Qu'est-ce qui vous plaît le plus ?

Ce qui m'a toujours animé, c'est la création. En tant qu'entrepreneur, j'ai cette liberté incroyable de créer ce que je veux, d'explorer les directions qui me passionnent. Bien sûr, il faut savoir filtrer et élaguer les idées, mais c'est précisément ce processus que je trouve génial.

Ce qui est également très gratifiant, c'est de réussir à fédérer des gens autour de soi. Même si aujourd'hui l'entreprise est encore petite, il y a des personnes motivées et convaincues par ce que nous faisons, et c'est vraiment super. Il y a aussi un aspect d'utilité sociale qui me tient à cœur. Nous sommes convaincus que notre travail a un impact positif sur la société. D'une certaine manière, c'est un engagement militant, et cela donne encore plus de sens à ce que nous faisons.

Combien de personnes composent l'équipe de Code en Bois aujourd'hui ?

Pour l'instant, l'équipe est très réduite. Je suis encore officiellement seul à la tête de l'entreprise et entouré de quelques stagiaires. À la rentrée, je vais accueillir un alternant et un associé devrait également me rejoindre bientôt. Jusqu'à cet été, j'ai donc mené ce projet principalement en solo, avec le soutien ponctuel de copains et de collègues.

N'était-ce pas trop difficile de mener ce projet seul ?

Oui, il y a eu des moments difficiles, et j'ai certainement appris beaucoup de leçons en chemin. J'ai fait pas mal d'erreurs au début, et j'ai quelques conseils à partager à ce sujet. J'ai lancé ma boîte un peu sur un coup de tête, sans vraiment savoir dans quoi je me lançais. Je me suis simplement dit qu'il fallait créer une entreprise, alors j'ai cherché sur Google "créer sa boîte". Je suis tombé sur une plateforme de création d'entreprise qui m'a permis de monter la structure, mais sans aucun conseil ni accompagnement. Je me suis retrouvé à faire tous les mauvais choix, faute de temps pour vraiment réfléchir.

La première année, je n'ai pas fait grand-chose. J'ai développé le projet un peu, mais je me suis surtout retrouvé submergé par les cotisations et toutes les formalités administratives que je ne comprenais pas. Je me demandais vraiment dans quoi je m'étais embarqué, et pourquoi j'avais fait ces choix. Pendant ce temps, j'avais toujours mon emploi principal, et je travaillais sur le projet Code en Bois durant mon temps libre. Mon travail consistait à accompagner des entreprises, ce qui a fini par créer un conflit d'intérêt lorsque j'ai voulu demander un financement à Bpifrance. On m'a alors dit que je n'avais droit à aucun financement ni accompagnement en raison de ce conflit, même si les sujets n'avaient rien à voir.

J'ai manqué certaines échéances importantes à cause de cette situation, ce qui a été frustrant. Finalement, il a fallu faire un choix. Mon projet prenait de plus en plus de place dans mon esprit et dans ma vie, et il devenait impossible de le gérer en parallèle de mon emploi. J'ai donc décidé de tout miser sur Code en Bois.

De quoi êtes-vous le plus fier aujourd’hui ?

Je n'ai pas d'énormes fiertés spécifiques, mais ce sont tous les petits moments qui, mis ensemble, créent un grand sentiment de satisfaction. Par exemple, quand je vois un professeur publier sur Facebook en disant "J'ai découvert Code en Bois, c'est génial, j'ai trop envie de l'acheter", c'est ce genre de retours qui constitue mon carburant.

Et vos enfants, aiment-ils jouer à Code en Bois ?

Mes enfants adorent jouer à Code en Bois, même si parfois ils prétendent le contraire. Quand je leur propose de jouer, ils me disent souvent "Oh non, papa, tu nous saoules avec ton truc". Mais dès que je sors les briques, ils ne peuvent pas s'empêcher de venir jouer. Le plus drôle, c'est ma fille de six ans qui, à un moment, m'a pris à part et m'a demandé très sérieusement : "Papa, quand est-ce que ton projet Code en Bois va s'arrêter ?". J'ai dû lui expliquer que c'était un projet de longue haleine, et qu'il n'était pas prêt de se terminer. Pour elle, c'était un peu difficile de comprendre pourquoi je me consacrais à un jeu sur une longue période.

Quelles sont vos perspectives pour l'année à venir ? Allez-vous chercher des financements pour développer ces projets ?

Il y a trois grands axes de développement pour Code en Bois. Le premier est de continuer à se développer en France, en partenariat avec l'Éducation nationale. L'ambition est de toucher des départements, des régions, et des académies de manière plus massive. Le deuxième axe est l'internationalisation à partir de 2025, d'abord dans les pays francophones, puis avec des traductions dans d'autres langues. Enfin, le troisième projet est de lancer une version jeu de société grand public, qui est très prometteuse et qui pourrait aider à diversifier et stabiliser les revenus.

Pour ces projets, j'ai déjà mobilisé du prêt bancaire, et je vais commencer à discuter avec des business angels pour lever des fonds. Le financement d'un jeu de société est toujours un peu compliqué, mais c'est une étape nécessaire pour atteindre un public plus large.

Et comment comptez-vous vous faire connaître auprès de l'Éducation nationale ?

Nous avons une approche très traditionnelle, beaucoup de courriers et de coups de téléphone. Je commence petit, en parlant directement avec des écoles, des professeurs, et des directeurs d'écoles. Je n'ai pas encore frappé aux portes des plus hauts responsables de l'Éducation nationale, car je voulais d'abord finaliser et préparer tout le matériel et les ressources nécessaires. À la rentrée de septembre, nous comptons passer à la vitesse supérieure et présenter notre projet à des acteurs plus influents dans l'Éducation nationale.

CODE EN BOIS

Vente à distance sur catalogue spécialisé

Sommaire

  • Quel est votre parcours ?
  • Qu'est-ce qui vous a amené à vous tourner vers l'éducation ?
  • Comment l'idée de Code en Bois vous est-elle venue ?
  • Pourquoi est-il important pour les enfants d'apprendre à coder dès leur plus jeune âge ?
  • Comment fonctionne Code en Bois ? Quelle est la réaction des enfants en classe ?
  • Comment fonctionne votre activité ?
  • Comment se sont passés les débuts de votre startup ? Comment avez-vous financé la production initiale ?
  • Et aujourd'hui, quelle est la situation de votre chiffre d'affaires, deux ans après le lancement ?
  • Pouvez-vous nous parler de vos projets futurs, éventuellement un jeu de société ?
  • Qu'est-ce qui vous anime aujourd'hui dans l'entrepreneuriat, surtout après avoir connu une longue période de salariat ? Qu'est-ce qui vous plaît le plus ?
  • Combien de personnes composent l'équipe de Code en Bois aujourd'hui ?
  • N'était-ce pas trop difficile de mener ce projet seul ?
  • De quoi êtes-vous le plus fier aujourd’hui ?
  • Et vos enfants, aiment-ils jouer à Code en Bois ?
  • Quelles sont vos perspectives pour l'année à venir ? Allez-vous chercher des financements pour développer ces projets ?
  • Et comment comptez-vous vous faire connaître auprès de l'Éducation nationale ?