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“On peut faire du business et avoir un impact social” : avec Ramdam Social, Julie Boureau prouve son modèle

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Rencontre avec Julie Boureau, cofondatrice de Ramdam Social

Crédit image : Maddyness.

Fondée en 2023 par Julie Boureau et Luc-Olivier Piéret, Ramdam Social transforme chaque achat en un acte de générosité. En proposant des produits du quotidien fabriqués en France, avec des ingrédients locaux et sans additifs, Ramdam permet aux consommateurs de financer des repas pour les personnes en précarité, sans payer plus cher. Rencontre avec Julie Boureau, qui a accepté de nous parler de sa vision de l'entrepreneuriat.

Le concept de Ramdam Social repose sur un constat simple mais frappant : malgré le surplus alimentaire en France, une personne sur trois peine à se nourrir correctement. Et 70 % des Français souhaitent agir contre la précarité, mais sont freinés par le manque de temps ou de moyens. Ramdam Social répond à cette double problématique en offrant à chacun la possibilité d'avoir un impact concret en faisant tout simplement ses courses. Une partie de chaque achat est reversée directement aux associations partenaires, comme le SAMU Social, le Secours Populaire et les banques alimentaires, afin de financer des repas pour les personnes en précarité.

Depuis son lancement en 2023, Ramdam Social a ainsi pu cofinancer 150 000 repas. Son ambition ne s'arrête pas aux produits alimentaires : la startup prévoit d'étendre ce modèle à d'autres produits du quotidien, transformant ainsi chaque acte d'achat en un levier d'impact social positif. Julie Boureau nous raconte la genèse du projet et le business model de cette entreprise à mission.

Pourriez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours ?

J’ai 37 ans, je suis maman de deux enfants et je vis à Bordeaux. J’ai toujours travaillé dans le secteur de la grande consommation, plus précisément dans la création de nouveaux usages, de nouvelles marques, pour tenter d’influencer positivement les comportements en répondant aux attentes des consommateurs. Ma carrière s’est faite essentiellement dans le marketing, mais toujours orientée vers la création et l’innovation. J’ai travaillé 10 ans chez Innocent, à une époque où l’entreprise était encore petite, puis chez HappyVore. Ce sont deux entreprises qui, justement, ont une approche innovante et créatrice d’usages. J'ai toujours aimé créer de nouveaux usages, de nouvelles marques pour essayer de changer le comportement des gens et répondre aux attentes des consommateurs. C’est cela qui m’intéressait plutôt que d’aller chercher des parts de marché supplémentaires.

Cet intérêt pour l’innovation et la création de nouvelles marques remonte-t-il à longtemps ? Comment avez-vous orienté vos études ?

J’ai fait une école de commerce, et avec le recul, mon intérêt pour l'innovation et la création s’est affiné. À l'époque, je me laissais guider par les opportunités, souvent orientées vers le marketing dans de grands groupes. J’ai suivi cette voie, mais ce qui me passionnait réellement, même dans ces grandes structures, c’étaient les petites marques et les projets innovants. Par exemple, j’ai participé au lancement de Nescafé Dolce Gusto, puis travaillé sur Innéov, une joint-venture entre Nestlé et L’Oréal dans les compléments alimentaires. Mon ambition a toujours été de créer de nouveaux usages, plutôt que de simplement augmenter des parts de marché.

La recherche de sens dans votre travail est-elle venue naturellement ?

C’est un cheminement qui s’est intensifié, surtout à la naissance de ma fille. J’ai ressenti une sorte d’éco-anxiété et je me suis dit que je ne pouvais pas lui laisser le monde tel qu’il est sans agir. Je voulais trouver un sens, un impact social dans mon travail, quelque chose qui aille au-delà du marketing traditionnel. Je ne voulais pas lui dire plus tard que j’avais ignoré l’impact de mes choix pour des raisons de commodité. Cela a été un vrai déclic pour moi.

Quand et comment avez-vous lancé Ramdam Social ?

J’ai rencontré mon futur associé, Luc-Olivier Piéret, lors d'une mission freelance pour une entreprise allemande et la collaboration a tout de suite bien fonctionné. Nos profils étaient très complémentaires : il était plutôt orienté commercial, tandis que je me concentrais sur le marketing et la stratégie. Nous passions des heures à refaire le monde, à réfléchir sur le lien entre business et impact social. Nous trouvions aberrant de devoir choisir entre travailler dans une association ou dans une entreprise pour avoir de l’impact, comme si les deux étaient incompatibles. C’est ainsi que l'idée de créer quelque chose ensemble a émergé, de manière plus formelle et engagée.

Début 2023, nous avons commencé à réfléchir sérieusement à ce projet, et en mars 2023, Ramdam Social est officiellement née en tant qu’entreprise à mission. Cela fait donc environ un an et demi. Comme nous avions déjà collaboré par le passé, notre complicité et notre complémentarité étaient déjà établies.

À l’origine, la répartition des rôles était assez simple : je m’occupais de l’impact social, du marketing et du développement produit, tandis que mon associé gérait la partie commerciale, financière et logistique. Mais dans la pratique, nos compétences se complètent énormément, et nous aimons échanger nos idées. Au début, nous prenions souvent les décisions en binôme, mais aujourd’hui, nous nous appuyons sur une équipe de collaborateurs expérimentés dans chaque domaine (logistique, commercial, etc.), ce qui nous permet de structurer l’organisation de manière plus efficace.

Pouvez-vous nous expliquer le concept de Ramdam en quelques mots ?

Ramdam est né d’un double constat : d’un côté, une personne sur trois en France rencontre des difficultés pour se nourrir, malgré un excédent alimentaire national. De l’autre, environ 70 % des Français souhaitent agir contre la précarité mais ne le font pas, souvent par manque de moyens, de temps ou tout simplement parce qu’ils oublient. Or, tout le monde fait ses courses. Nous avons donc eu l’idée d’utiliser les courses du quotidien pour financer des repas destinés aux personnes en situation de précarité.

Ramdam propose des produits de qualité, fabriqués en France avec des matières premières locales autant que possible, sans additifs, et provenant de producteurs engagés. À chaque achat, une partie du montant finance un repas pour une personne en difficulté, grâce à nos partenariats avec le SAMU Social, le Secours Populaire, et les banques alimentaires. Depuis notre lancement commercial en février 2024, nous avons déjà co-financé 150 000 repas.

Envisagez-vous d’étendre ce modèle à d’autres produits ?

Absolument. Nous avons commencé avec des produits alimentaires, comme des chips, des sablés pour l’apéritif, et des cookies, mais l’idée serait d’étendre ce modèle de solidarité à d’autres produits du quotidien, comme le gel douche, le papier toilette, ou même les boissons. C’est une perspective que nous visons pour les prochaines années.

Comment fonctionne votre business model ?

Pour que Ramdam génère un maximum de dons, il est essentiel que personne n’ait à faire de compromis. Le producteur doit être bien rémunéré, le distributeur doit être rentable, et le consommateur ne doit pas payer plus cher. Dans le même temps, nous devons pouvoir redistribuer 7 à 10 % de notre chiffre d’affaires à des associations. Pour que cette équation fonctionne, il a fallu optimiser certaines dépenses.

Notre expérience dans la grande consommation nous a aidés : nous avons adopté une structure classique et analysé où nous pouvions réduire les coûts. Par exemple, nous ne faisons pas de R&D complexe : nos produits sont simples et bien fabriqués, comme des chips, des cookies au chocolat sans additifs. En grande consommation, la R&D peut facilement atteindre 10 % du chiffre d’affaires, mais avec des recettes simples, nous économisons sur cette partie. Nous avons également choisi de collaborer avec des partenaires industriels expérimentés qui utilisent des matières premières standards sans immobiliser leurs chaînes de production, ce qui nous permet de rester flexibles.

Enfin, notre modèle de distribution repose sur des circuits logistiques non duplicables pour gagner en efficacité et réduire les coûts. Nous misons aussi sur la satisfaction du consommateur pour fidéliser : si nos chips lui plaisent, il sera tenté d’essayer nos cookies, puis d’autres produits. Avec des aliments de qualité, il est possible de se passer de campagnes de pub onéreuses.

Sur le plan de la concurrence, y a-t-il d’autres initiatives similaires en grande distribution ?

Il y a d’autres initiatives formidables que nous ne voyons pas comme des concurrents. Nous avons besoin d’un écosystème qui inclut l’impact social dans la création de valeur. Il y a des entreprises comme "C’est qui le patron ?", Café Joyeux, et Kignon à Nantes. À l’international, on voit aussi des initiatives similaires, comme Thank You en Australie ou Toms Shoes aux États-Unis. Plus l’écosystème grandit, plus l’impact social s’ancrera dans les habitudes des consommateurs.

Comment avez-vous financé les débuts de votre startup ?

Nous avons cherché des business angels dès le départ, mais pas dans une logique de "love money". Nous n’avons pas sollicité famille et amis ; nous voulions attirer des experts pour construire Ramdam comme un projet collaboratif. Aujourd’hui, notre équipe d’investisseurs comprend un ancien DG de Médecins Sans Frontières, des producteurs, des directeurs logistiques de grands groupes… des personnes aussi passionnées que nous par le projet. Ce sont des soutiens précieux : quand nous rencontrons un obstacle, ils décrochent le téléphone pour nous donner un coup de main, et cela a débloqué bien des situations.

En tant qu’entrepreneure, qu’est-ce qui vous motive le plus au quotidien ?

Ce qui me motive, c’est de voir le compteur de repas co-financés progresser. Tous les vendredis, nous le mettons à jour sur notre site, pour que chacun puisse voir combien de dons nous avons pu cofinancer. C’est très motivant, et je pense que cela stimule toute l’équipe. Nous commençons également à recevoir des messages très encourageants sur Instagram, LinkedIn et notre site. Des consommateurs nous disent qu’ils nous ont découvert par hasard, et qu’ils trouvent nos produits vraiment bons. Voir que le projet prend vie et que les gens adhèrent à la fois pour l’impact social et pour la qualité, c’est extrêmement gratifiant.

Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées dans votre parcours ?

Les montagnes russes de l’entrepreneuriat, dont tout le monde parle ! Au début, c’est dur de s’habituer à ces hauts et bas. Parfois, vous avez des bonnes et des mauvaises nouvelles qui s’enchaînent en une seule après-midi. Aujourd’hui, j’arrive à prendre plus de recul. Une autre difficulté, c’est d’accepter les critiques. Quand c’est votre projet, vous prenez tout à cœur. Enfin, il y a l’équilibre vie professionnelle et vie personnelle : j’ai deux enfants en bas âge que j’ai envie de voir grandir. Trouver le rythme pour être pleinement investie dans Ramdam tout en étant présente pour eux n’a pas toujours été facile. Heureusement, l’entrepreneuriat offre aussi une certaine flexibilité, ce qui me permet de jongler entre les deux.

Quelle est votre plus grande fierté ?

Mon plus grand accomplissement, c’est l’impact social que nous avons réussi à créer, mais aussi d’avoir réuni une équipe motivée et talentueuse qui croit autant que moi en ce projet. Je pense aux associations, aux producteurs, à nos partenaires comme Carrefour et Franprix… On sent qu’il y a un vrai enthousiasme. C’est incroyable de voir cet écosystème se construire autour de Ramdam.

Pour conclure, quel conseil donneriez-vous à un entrepreneur qui souhaite lancer une entreprise à mission ?

D’abord, ne pas écouter ceux qui disent que ce n’est pas possible ou que cela ne marchera pas. On nous l’a souvent répété, et pourtant, c’est en partant d’une page blanche que l’on peut créer des choses nouvelles. Ensuite, avoir un associé, un vrai binôme de confiance, c’est précieux. Mon associé, Luc-Olivier, est un partenaire incroyable. Être épaulé rend le parcours entrepreneurial beaucoup plus riche et moins isolant.

RAMDAM

Commerce de gros (commerce interentreprises) alimentaire spécialisé divers

Sommaire

  • Pourriez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours ?
  • Cet intérêt pour l’innovation et la création de nouvelles marques remonte-t-il à longtemps ? Comment avez-vous orienté vos études ?
  • La recherche de sens dans votre travail est-elle venue naturellement ?
  • Quand et comment avez-vous lancé Ramdam Social ?
  • Pouvez-vous nous expliquer le concept de Ramdam en quelques mots ?
  • Envisagez-vous d’étendre ce modèle à d’autres produits ?
  • Comment fonctionne votre business model ?
  • Sur le plan de la concurrence, y a-t-il d’autres initiatives similaires en grande distribution ?
  • Comment avez-vous financé les débuts de votre startup ?
  • En tant qu’entrepreneure, qu’est-ce qui vous motive le plus au quotidien ?
  • Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées dans votre parcours ?
  • Quelle est votre plus grande fierté ?
  • Pour conclure, quel conseil donneriez-vous à un entrepreneur qui souhaite lancer une entreprise à mission ?

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