Brevetabilité : le cas spécifique des logiciels

Brevetabilité des logiciels : quelle spécificité ?

La brevetabilité des logiciels en France représente un sujet complexe et controversé. La protection de ces inventions est assurée à la fois par les droits d’auteur et le brevet. Ne pouvant être brevetés en tant que tels, les logiciels doivent être intégrés dans une invention technique plus large. Cette double approche soulève des enjeux économiques mais aussi juridiques majeurs et interroge sur le rôle central des logiciels dans les innovations techniques. Dans un environnement technologique en constante évolution, comprendre les spécificités de cette question est essentiel. Cet article vous apporte un éclairage sur ce dispositif.

Brevet et logiciel : quelle définition ?

Champ d’application de la brevetabilité

Un brevet est un titre de propriété industrielle qui confère à son titulaire un droit exclusif d’exploitation sur une invention pendant une durée limitée (maximum 20 ans).

Le champ d’application géographique du brevet est limité au territoire français. En effet, la protection conférée par le brevet ne vaut que pour le pays dans lequel le dépôt a été effectué.

Le brevet protège une innovation dite technique : un produit qui répond à un problème technique. Qui dit innovation, dit invention nouvelle. Le produit doit être une nouveauté sur le marché. Il est donc vivement conseillé de vérifier que l’objet n’a pas déjà été rendu accessible au public d’une quelconque manière que ce soit.

Enfin, le brevet porte sur une activité inventive, c’est à dire qui “ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique” pour un homme du métier.

Ainsi, toutes les inventions ne sont pas brevetables. Elles doivent répondre à des critères spécifiques.

Définition du logiciel

Un logiciel se définit par un ensemble de programmes, d'instructions, de données et de procédés conçus pour exécuter des tâches spécifiques sur un appareil informatique ou électronique. Il constitue la part immatérielle d’un système informatique.

Il existe différents types de logiciels en fonction des besoins de chacun :

  • logiciels de traitement de texte (Worpad, par exemple) ;
  • logiciels de base de données ;
  • logiciels système, etc.

Brevetabilité des logiciels : la question des droits d’auteurs

En France, les logiciels soulèvent de nombreuses interrogations concernant leur brevetabilité. En effet, ils sont principalement protégés par le droit d’auteur en raison de leur caractère à la fois immatériel et technique. Ce choix a été confirmé par plusieurs textes législatifs :

On constate une volonté claire d’exclure les logiciels du champ de la brevetabilité. Ce choix s’explique par différentes raisons :

  • éviter de freiner la recherche avec une multiplication des brevets ;
  • une identification complexe des éléments du logiciel qui entrent dans le champ de la nouveauté et de l'inventivité.

Cette exclusion n’est, toutefois, pas absolue.

Brevetabilité des logiciels : une possibilité limitée

Le Code de la propriété intellectuelle précise que les logiciels ne sont pas brevetables en tant que tels. Néanmoins, un logiciel peut être intégré à une invention technique plus large. Dans un tel cas, seul l’aspect technique de l’invention peut être breveté.

En d’autres termes, pour être protégé par un brevet, le logiciel doit faire partie d’une invention plus globale, il ne peut pas être brevetable en tant que tel.

Ainsi, seules les composantes techniques du logiciel sont concernées par la brevetabilité. Le reste est couvert par le droit d’auteur.

La jurisprudence de la Cour de cassation sur le sujet est peu fréquente, mais deux décisions rendues le 11 janvier 2023 ont attiré l'attention. En pratique, les offices de brevets, notamment l'Office européen des brevets, admettent des brevets pour des inventions qui ne sont pas uniquement liées au logiciel, mais qui incluent également des éléments techniques.

La Cour confirme cette approche et admet la brevetabilité des inventions liées aux logiciels, tant qu'elles comportent des éléments techniques et ne concernent pas exclusivement le logiciel en lui-même.

Brevetabilité limitée des logiciels : les conséquences en pratique

Bien que certains aspects techniques des logiciels peuvent être couverts par la brevetabilité, les limites imposées engendrent des conséquences importantes en pratique.

La première conséquence est la protection restreinte du logiciel. Le brevet ne couvre en effet que les éléments techniques du logiciel et non le logiciel dans son ensemble. Les inventeurs doivent ainsi affronter la concurrence avec une protection partielle de leur invention.

Ces situations sont source de conflit et de mauvaise interprétation de la part des tiers. L’identification des éléments brevetés est plus complexe et peut conduire à des cas où des entreprises se retrouvent à utiliser sans autorisation des éléments techniques brevetés de manière totalement involontaire. Les litiges ne cessent de se multiplier ainsi que les revendications de brevets en raison du flou juridique entourant cette question.

En effet, les revendications de brevet doivent être suffisamment précises pour identifier l’aspect technique innovant brevetable tout en excluant le logiciel en tant que tel. Les demandes sont donc difficiles à formuler. On assiste d’un côté au découragement de certains inventeurs et de l’autre côté à la multiplication des demandes pour d’autres en raison des rejets constants pour manque de clarté.

De plus, la brevetabilité des logiciels est conditionnée à leur intégration dans un système plus large comprenant des éléments techniques. Cette exigence pousse les créateurs de logiciels à combiner leurs inventions à d’autres technologies ou à les adapter constamment. Ceci favorise grandement l’innovation technique puisque cela encourage les entreprises à s’investir de manière plus globale dans les nouvelles technologies.

Par ailleurs, cette spécificité législative freine considérablement la brevetabilité des inventions issues de l’étranger. En effet, les législations diffèrent à travers le monde et une invention brevetable dans certains pays ne l’est pas systématiquement en France. Cette conséquence résulte d’un choix de limiter les brevets d’inventions étrangères, notamment américaines. Une disparité législative à l’échelle internationale, source d’incertitude juridique au profit de la souveraineté nationale.

En outre, on assiste à des revendications excessives du droit d’auteur de la part des créateurs pour protéger les éléments non brevetables. Toutefois, le droit d’auteur ne couvre pas toutes les parties (par exemple, les méthodes sous-jacentes). On se retrouve avec des innovations non protégées ou protégées partiellement.

La conséquence directe de ce flou juridique conduit les entreprises à avoir recours aux licences pour protéger leurs innovations. Des clauses de propriété intellectuelle sont également insérées régulièrement dans les contrats.

Malgré cela, les entreprises semblent avoir du mal à identifier les parties spécifiques brevetées du logiciel, celles qui sont protégées par les droits d’auteur et le reste. Ceci crée des zones d’ombres notamment en matière de droits d’utilisation.

Brevetabilité des logiciels : une procédure longue

Le droit d’auteur protège le logiciel sans formalité particulière. Quant au brevet, il doit être demandé auprès de l’organisme concerné et suppose un coût.

Cette démarche repose sur plusieurs étapes qu’il convient de respecter.

Avant toute chose, il convient de vérifier que les critères de brevetabilité sont remplis. Pour ce faire, il faut s’assurer de plusieurs éléments :

  • la nouveauté : le logiciel doit être nouveau. Ce critère est à vérifier scrupuleusement. Il faut s’assurer qu’il n’a jamais été rendu accessible au public d’une quelconque manière. Il faut aussi observer un silence absolu sur son invention et la garder secrète jusqu’au dépôt du dossier. Si l’invention est divulguée avant, le brevet ne pourra pas être obtenu ;
  • l’activité inventive : une solution non évidente à un problème technique ;
  • l’aspect technique : le logiciel en tant que tel n’est pas brevetable, il doit être intégré à un ensemble technique plus global ;
  • le caractère industriel : le logiciel doit être utilisable dans le secteur de l’industrie.

Il convient, ensuite, d’être précis dans sa demande. En effet, celle-ci doit inclure une description complète du logiciel et détailler son intégration dans une invention technique plus globale.

La demande inclut des explications claires, une description détaillée des éléments qu’on souhaite breveter, une démonstration de la solution apportée en réponse à un problème technique, et enfin, des éventuelles illustrations de l’invention.

La demande rédigée doit être déposée à l’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI). Pour ce faire, il faut créer un compte sur la plateforme dédiée et déposer sa demande de brevet.

Il faut également régler le montant des frais de gestion. En effet, le brevet a un prix.

Une fois la demande déposée, il convient de patienter sur le traitement par l’administration. Durant toute l’instruction du dossier, des compléments d’informations pourront être demandés.

Bon à savoir : la procédure d’obtention d’un brevet est longue, elle dure environ 30 mois.

Brevetabilité des logiciels : comment la conserver ?

Bien que le brevet confère un monopole à son créateur, il doit le maintenir en vigueur tous les ans en payant des annuités.

Ces annuités doivent être acquittées le dernier jour du mois d’anniversaire du dépôt de brevet (de la demande) au plus tard.

Enfin, le brevet n’est valable que 20 ans au maximum. Passée cette période, l’invention tombe dans le domaine public. Les créateurs ne bénéficieront plus du monopole d’exploitation.