Le tribunal de commerce de Paris a validé la reprise de Frichti par La Belle Vie, qui sauve ainsi de justesse son concurrent placé en redressement judiciaire depuis le mois de mai. La transaction s’effectue pour un montant de 480 000 euros, dont 450 000 euros de stock.
On les appelait les jumelles. Nées la même année, en 2015, les deux pépites françaises de la FoodTech se partageaient les secteurs de la livraison rapide de courses alimentaires et de plats cuisinés depuis des dark kitchens dans les centre-villes. La Belle Vie est devenue référente en Ile-de-France, avec son supermarché digital de 25 000 produits. Frichti, qui avait commencé avec ses plats frais livrés à domicile, s’est ensuite concentrée sur le secteur de la Food BtoB, avec ses cantines d’entreprise digitales. Ce segment intéresse de près La Belle Vie, qui va conserver l'offre "Cantine 2.0", qui permet de regrouper les commandes des salariés d'une même entreprise, et le format "La Cafet", des cantines d'entreprise ou de coworking.
160 emplois sauvés et un changement de stratégie
Frichti avait d’abord été rachetée par le groupe allemand Gorillas en janvier 2022, lui-même racheté fin 2022 par la franchise turque Getir, leader mondial du marché de la livraison express. Placé en liquidation judiciaire en juillet 2023, avec 200 millions d’euros de dettes, Getir employait ainsi 1 708 personnes en France. La Belle Vie entend conserver 160 salariés sur les 408 que comptait Frichti ainsi que 4 des 6 hubs logistiques à Paris, Nanterre, Levallois et Bagnolet. Ces dark kitchens permettront de poursuivre l’activité BtoB de livraison de plats préparés, la plus rentable pour La Belle Vie. Le business BtoC de livraison de courses de Frichi sera transféré et géré par l’entrepôt de 5 000 mètres carrés dont dispose La Belle Vie dans le 12e arrondissement. Le catalogue proposera désormais 3 500 produits supplémentaires pour un catalogue total de 6 000 références.
« Nous croyons dans le business construit par Frichti et n’allons donc fermer aucune de ses verticales d’activité : la vente de produits et de repas en BtoC et en BtoB sont maintenues, ainsi que les 14 cafétérias qu’elle opère dans les entreprises. La marque, bien connue du grand public, continuera aussi d’exister en parallèle de la nôtre », explique pour LSA Paul Lê, cofondateur et co CEO de Deleev (le groupe qui détient La Belle Vie). En revanche, la société abandonne le business de Frichti en province pour ne garder que l’Île-de-France et générer des bénéfices encore inexistants.
Le changement de stratégie concerne la durée de livraison : la promesse du service express en 20 minutes n’étant pas rentable, Frichti livrera désormais entre 1 et 3 heures en Île de France, avec un système de tournées partant d’un seul entrepôt.
Les difficultés du quick commerce
Le quick commerce a commencé à montrer ses limites en 2023 avec de nouveaux obstacles législatifs. Depuis le 1er juillet, les espaces de stockage et de préparation de commande des entreprises de livraison express doivent être déclarés auprès des mairies comme des entrepôts à moins de tomber dans l’occupation illégale et se voir déloger.
Les mairies se positionnent contre ces dark-stores ou dark kitchen qui créent de la nuisance sonore à cause du ballet incessant des livreurs à scooter, en plein centre-ville. L’inflation que traverse actuellement l’Europe n’a pas non plus aidé le secteur, qui après une explosion du secteur pendant la pandémie et des levées de fonds colossales, connaît aujourd’hui des difficultés réelles de financement.
Cependant, le potentiel du quick commerce ne serait pas enterré selon La Belle Vie. L’entreprise anticipe un chiffre d’affaires de 66,5 millions d'euros pour 2023 (56,7 millions de chiffre d'affaires pour la Belle Vie et 9,8 millions pour Frichti), et espère atteindre les 100 millions de CA l’année prochaine.